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PERU

Journal de bord

 

 

Lundi, 9 septembre 1996
On prend un collectivo pour se rendre à Tumbes. Il n’y a pas grand chose à voir et je vais à l’agence pour faire changer mon vol, ce qui est fait en un rien de temps. Malheureusement mon entrée au Pérou ne va pas sans frottement. Le soir sur une terrasse de bistro, je me fais voler mon petit sac à dos contenant mon appareil de photo. Et bien sûr les ennuis commencent. Pour porter plainte pas de problème, mais pas moyen d’obtenir les papiers nécessaires pour l’assurance car il faut aller à la banque pour chercher (acheter) le document indispensable. C’est incroyable et bien sûr ce soir elle est fermée. Il me faudra faire les démarches demain matin avant le départ de mon avion.

 

Mardi, 10 septembre 1996

Bien avant l’ouverture de la banque je suis devant les portes, mais elle n’ouvrira qu’à 9h15 ce qui ne laisse rien présager de bon. Cinq minutes plus tard je suis au poste de police, mais il me faut retourner faire une copie du formulaire. Et bien sûr à cette heure il y déjà du monde et il me faut attendre. A 10h00 je ne suis toujours pas servi malgré mes interventions. A la fin en parlant avec un supérieur et en utilisant du “beurre“ (45) les choses avancent un peu. L’heure tourne et je n’y crois plus trop, l’avion va partir sans moi. A 10h40 enfin j’ai tous les papiers. Je saute dans un “tricycle“ et je passe rapidement à l’hôtel pour prendre mes bagages et en route pour l’aéroport. Il s’arrête encore pour faire le plein, cela vaut mieux que de tomber en panne sèche. La route est bien longue avec des lignes droites qui me paraissent interminables. A 300 m de la bifurcation voilà que le moteur s’arrête, cette fois-ci je n’y crois plus mais la mécanique repart et nous arrivons à 12h05 à l’aéroport. Il nous a fallut 17 min, c’est super mais à mon grand soulagement l’avion n’est pas encore arrivé. C’est bon, ça va marcher. Le voyage à Lima avec escale à Chiclayo se passe sans problème. A l’aéroport je téléphone à Julio, le frère de Vicky et il vient me chercher. Je suis de retour à Lima (46) après une absence de 4 ans. Le soir nous allons dans un salon de jeu où il y a des machines à sous par dizaines. Mais comme à mon habitude je ne joue pas, je me contente de regarder.

 

Mercredi, 11 septembre 1996
Avec Alfarito je pars pour le centre de Lima pour faire des achats, premièrement un guide et ensuite un petit sac à dos. Je n’arrive pas à trouver un appareil photo qui me convient et j’irai demain à Miraflores, le quartier riche, il y a plus de chance que je trouve quelque chose. Le soir je vais avec Julio voir un match de foot au Stade National et nous marchons jusqu’à la Plaza de Armas en rentrant (47).

 

Jeudi, 12 septembre 1996
Avec José, je vais un bout en direction de Miraflores et je fais le reste en marchant. La carte du guide n’est vraiment pas à l’échelle et je marche plus d’une heure et demie avant d’arriver dans la partie commerçante. Là, je trouve assez rapidement un magasin de photo. Je me décide finalement pour un appareil grand format malgré le prix relativement élevé. Je rentre en passant par le centre de Lima, mais en utilisant le taxi.

 

Vendredi, 13 septembre 1996
Hier, j’ai également déplacé mon vol pour Cuzco. Comme samedi l’avion était plein, j’ai opté pour dimanche. Aujourd’hui je prépare les documents nécessaires pour les envoyer avec ma plainte et je choisi d’utiliser DHL pour être sûr qu’elle ne se perde pas, je fais également les copies nécessaires pour le cas où.

 

Samedi, 14 septembre 1996
Aujourd’hui je n’ai rien de spécial au programme et je m’intéresse au commerce de vente de portes automatiques en suivant Julio dans son travail. Si l’entreprise me paraît sérieuse, je suis persuadé qu’on pourrait faire mieux surtout au point de vue administration. Mais c’est bien intéressant. J’en profite également pour remettre en état certains programmes de l’ordinateur.

 

Dimanche, 15 septembre 1996
Julio a été à une fête de policiers hier soir et n’est pas en état de se lever ce matin. C’est finalement Enrique qui m’amène dans la rue principale pour prendre un taxi qui va à l’aéroport. J’y suis à 9h30 mais il n’y a pas de problème car une fois encore l’avion a son heure de retard. Le vol Lima-Cuzco dure une petite heure. Il y a beaucoup de nuages sur les Andes, mais la vallée de Cuzco (48) est dégagée et l’approche en avion est super. Nous nous posons à 12h35 sur la piste située à 3310 m d’altitude. Je me rends à l’hôtel en taxi, ce n’est pas très cher. Il n’est pas si facile de trouver une chambre bon marché, mais ça va. Il me faut reconnaître que Lima a changé en bien, même si ce n’est pas parfait.

 

Lundi, 16 septembre 1996
Je ne me lève pas trop tôt car j’ai le temps, c’est un avantage. Je continue à faire le tour des agences pour trouver celle qui me donne le meilleur service, groupe pas trop grand. De toute façon comme toutes les agences ont a peu près le même programme, on va se trouver beaucoup sur le trek. Je me mets à la recherche de petites choses qui me manquent encore suite au vol de mon sac, avec plus ou moins de succès. Je commence également la visite de la ville avec un intérêt tout particulier pour les murs incas. Bien sûr ils ont été réutilisés pour construire des bâtiments, spécialement des églises. Les rues étroites qui, quand elles sont trop raides, se transforment en escaliers. Cela donne un cachet particulier et agréable que j’aime beaucoup. Il y a bien sûr de nombreux restaurants pour tous les goûts et tous les prix. L’assemblage des blocs est vraiment incroyable et l’ajustement exact; on ne peut pas y glisser une feuille de papier. Cela me fascine mais il y a encore mieux avec les grands blocs ajustés de la même façon et que je verrai ces prochains jours. A Cuzco tout tourne autour de la Plaza de Armas (49) et de l’Avenida del Sol. Je ferai une visite plus intensive des sites de Cuzco et environs après avoir fait le Chemin de l’Inca (50) et Machu Picchu (51). Le soir je tente d’aller voir un spectacle folklorique, mais le premier est bien trop cher et le second avec un prix raisonnable, je suis le seul spectateur si bien qu’après ½h d’attente je quitte la salle. Je ferai une autre tentative après le trek.

 

Mardi, 17 septembre 1996
Aujourd’hui non plus je ne me presse pas. Je termine “El nombre de la rosa“ mon second livre en Español. Le fait de connaître l’histoire aide bien sûr. Je vais acheter des lunettes de soleil, car ici la luminosité est très forte, et même si elles ne sont pas médicales, ça fera l’affaire quand il y aura trop de soleil. Je passe pour réserver et payer mon trek et j’ai choisi de ne pas prendre le meilleur marché car j’ai un peu peur d’être trop nombreux, mais j’ai négocié un rabais car je vais utiliser ma propre tente. Je continue ma visite de la ville et de ses rues, particulièrement à l’est de la Plaza de Armas, où il y a de nombreuses rues étroites avec des escaliers. Avec le soleil qui brille sans discontinuer c’est super de faire des photos et surtout les sujets ne manquent pas. En prenant mon déjeuner sur le coup des 11h00, je rencontre par hasard les deux Luxembourgeois dont j’avais fait la connaissance à Tumbes. Ils vont faire l’Inca Trail ou Camino del Inca demain et il y a de fortes chances qu’on se retrouve en route pour Machu Picchu. Je vais laisser une partie de mon matériel à l’hôtel. C’est une maison ancienne du type colonial avec un grand patio et c’est super, un endroit de tranquillité. J’ai terminé de préparer mes affaires avant de m’accorder une pizza au feu de bois, malgré le prix relativement élevé. J’ai également préparé un sac que je vais laisser en dépôt à l’hôtel.

 

Mercredi, 18 septembre 1996
A 6h00 je suis devant la porte de l’hôtel à attendre le bus. Il ne viendra finalement qu’à 6h40. Comme je suis sur la route de sortie de Cuzco, ils sont venus me chercher en dernier. Nous montons en altitude avant de plonger très rapidement sur la Vallée Sacrée, la vallée d’Urubamba (52). La route est goudronnée jusqu’à Ollantaytambo, ensuite c’est une route étroite qui nous amène à Chillca, le début du Camino del Inca. A l’agence ils nous avaient dit que le premier jour serait facile, mais en réalité ça sera un peu plus pénible. Il nous faudra 3h de marche en longeant l’Uurubamba jusqu’à ce que nous arrivions à l’intersection du chemin partant du kilomètre 88. Nous voyons de loin les ruines de Llactapata (53). Ensuite nous remontons pendant deux heures une vallée latérale jusqu’à Huayllabamba. Il n’est pas facile de trouver un emplacement de camp car il y a beaucoup de monde sur le trek aujourd’hui, une bonne centaine. Durant cette journée nous avons un peu souffert de la soif, il y a peu de ruisseau et il fait chaud.

 

Jeudi, 19 septembre 1996
Durant la nuit je vomis tout mon souper et comme je n’ai pas eu le temps de sortir de la tente, pas difficile d’imaginer le tableau mais heureusement que j’avais mis la protection pluie sur mon sac, ça a limité les dégâts. Même au déjeuner je ne peux rien avaler, tout ressort après 10 min. Dans cet état faire 1200 m de dénivellation jusqu’au premier col, je ne m’en sens pas capable. Si bien que j’ai recours à un jeune porteur pour me monter mon sac jusqu’au col. Il a 13 ans, s’appelle Uriel et est tout content de gagner quelques soles. Avec mon sac je ne crois pas que j’aurais pu faire la montée, je me sens très faible. Même sans presque rien il me faudra 5h pour gagner le col Warmiwañuska à 4200 m. En montant j’ai pu boire de l’eau et elle est restée dans l’estomac, ce qui a fait que mon état s’est amélioré peu à peu car j’ai pu boire assez d’eau. Les deux dernières heures ça allait bien mieux. De l’autre côté du col c’est la plongée sur Pacaymayo, un emplacement de camp à 3600 m où nous prenons notre dîner. Il nous a fallu 1h pour descendre le chemin avec de nombreux escaliers. Pour faciliter l’étape de demain, nous montons en direction du deuxième col et visitons la ruine de Runcuracay au passage. Nous continuons pour ½h encore avant de planter nos tentes au bord d’un petit lac à ½h du 2e col. A peine nous étions nous installés qu’un orage de 3h a éclaté avec de très fortes pluies. Plusieurs tentes laissent passer l’eau. Il ne fait pas trop chaud, surtout pour les porteurs qui passent la nuit sous un rocher, sans feu ça ne sera pas une partie de plaisir.

 

Vendredi, 20 septembre 1996
Au lever, le coup d’œil est super mais les nuages envahissent le coin rapidement. Une fois le deuxième col passé, la végétation change rapidement faisant place à la Selva Alta et le chemin se faufile dans la forêt. Nous descendons sur Sayacmarca “lieu élevé dominant“, une citadelle placée sur une arête et pratiquement imprenable. Le brouillard qui envahit la vallée donne une ambiance superbe mais pas terrible pour la photographie. Un peu en contrebas nous passons vers la ruine de Conchamarka avant d’entreprendre la montée au 3e col. La montée n’est pas aussi raide que les deux autres et est très plaisante. Elle passe dans la forêt en suivant à flanc de coteau et en perdant le moins d’altitude possible entre deux passages d’arêtes. Les Incas ont vraiment utilisés le relief au maximum, construisant si nécessaire des murs de soutènement impressionnants. Il y a aussi plusieurs tunnels naturels qui passent à l’intérieur de la montagne dans des situations à couper le souffle. Juste en contrebas du 3e et dernier col, il y la ruine de Phuyupatamarka à 3600 m. Son nom signifie la “ville au niveau du brouillard“ mais lors de notre passage aucune trace de nuages. Nous avons une vue magnifique sur la vallée de l’Urubamba et au fond le village d’Aguas Calientes à 2000 m d’altitude. Nous voyons également mais bien plus bas dans le trou, les terrasses des ruines de Wiñay Wayna “éternellement jeune“. Pour descendre ces 1000 m de dénivellation nous allons parcourir une quantité énorme de marches d’escalier, parfois taillées à même le roc. Les marches sont très bien faites et le pied ne glisse pas mais avec les chocs à la fin, on le sent quand même. C’est éprouvant. Dans la dernière pente nous apercevons les toits rouge, horrible de l’auberge de Wiñay Wayna (54). Tout le monde se rencontre ici puisque c’est le dernier emplacement de camp avant Machu Picchu. Ce lieu ne me plaît pas du tout. Après le dîner nous allons visiter les ruines. Nous avons marché 5h aujourd’hui. Ces ruines n’ont été découvertes qu’en 1941 par un Cuzqueniot. Ce sont probablement les ruines les mieux conservées de tout le Camino del Inca. Les rénovations sont en cours, car lors de la saison de pluies, les bâtiments souffrent beaucoup.

 

Samedi, 21 septembre 1996
Dernier jour de marche. Lever très rapide à 4h30 pour partir vers les 6h00. Il faut cela si on souhaite voir le lever du soleil de l’Inti Punku “les portes du soleil“. Le chemin commence par descendre avant de remonter et se termine par une grande série d’escaliers très hauts et très raides. Au passage du col, par chance le temps est au grand beau après les pluies de cette nuit, quelle récompense! Le rêve enfin devenu réalité, une vue plongeante sur la cité de Machu Picchu, caressée par les premiers rayons du soleil. C’est absolument super, comme irréel. Toute la fatigue s’envole, comme par un coup de baguette magique, et on savoure ce moment unique. Le chemin arrive sur la ville par le haut ce qui fait que nous avons une magnifique vue d’ensemble des ruines. Nous descendons premièrement à l’entrée pour y déposer nos sacs à dos, avant de partir chacun pour soi visiter et photographier les ruines avant qu’il n’y ait trop de touristes, c’est bien plus facile. Aux heures de pointe, nous ne serons pas loin de 500 touristes sur le site. La ville de Machu Picchu fut probablement la capitale spirituelle de l’Empire Inca, comme Cuzco fut la capitale sociale, politique et économique. On parle du peuple Inca mais en fait seul le roi portait ce nom. La ville était séparée en deux par une tranchée très visible séparant la partie agriculture de la partie habitation et spirituelle. Il y a de nombreux temples dont les pierres sont mieux travaillées, l’ajustage plus précis que, par exemple, le mur des terrasses. Le Temple du Soleil est probablement l’assemblage le plus fin de toute la cité, alors que le temple principal compte les plus gros blocs. Il y a de nombreux rochers taillés et sculptés qui servent d’observatoires solaires. Certains toits ont été refait pour qu’on puisse voir de quelle façon ils étaient fait; une poutraison recouverte d’herbes sèches, semblable aux maisons au toit de chaume. La manière dont les Incas ont utilisé le terrain pour construire leur cité et les constructions elles-même, me laissent admiratif et très impressionné. Je ne me lasse pas de regarder les ruines. Malheureusement la visite guidée effectuée par un autre guide n’est pas terrible, mais avec l’aide de nos guides de voyage on arrive à se faire une bonne idée de l’ensemble. La descente sur Aguas Calientes se fait en bus, c’est plus facile avec les sacs lourds. Les autres rentrent sur Cuzco avec le train local, mais moi je reste au village car demain je vais retourner voir les ruines et pour monter au Huayna Picchu, le pic qui domine la ville, et si possible voir le temple de la Lune et même aller faire un saut au pont de l’Inca. La rue principale d’Aguas Calientes est la ligne de chemin de fer. Tout tourne autour de cet axe.

 

Dimanche, 22 septembre 1996
Il pleut fort, rien de bon pour aujourd’hui. Toute la vallée baigne dans les nuages, on ne voit aucun sommet. Faut-il remonter ou pas? Je décide de quand même tenter le coup. Le bus part à 7h30 pour nous conduire aux ruines. Je ne suis pas pressé d’entrer car tout le site est dans le brouillard, mais ça se dégage et je parts faire des photos dans les ruines. Comme il n’y a presque pas de touristes, c’est super. Je monte jusqu’au mirador pour faire des vues plongeantes sur la ville, mais il faut un peu jouer avec le brouillard. Je visite d’autres centres d’intérêt importants que nous n’avions pas vu la veille, ce qui me prouve que le tour a été bâclé ou seulement fait à moitié. Le Huayna Picchu est toujours dans le brouillard; je ne l’ai vu que deux courts instants quand le site se dégageait, mais depuis plus rien. Je décide de quand même faire l’ascension et en ¾h, ça a peu évolué. La montée est raide et rendue glissante par la pluie de la nuit. Mais ce n’est pas plus difficile que de monter au Säntis. En haut le brouillard. Par moment il semble que ça va s’ouvrir, mais ce sont toujours de fausses alertes. Nous prenons notre mal en patience et attendons. Juste avant de redescendre et pour seulement 30 sec., le trou. Nous voyons les ruines. Ça clique de tous côtés. La pluie fait son apparition et il faut garder toute sa concentration pour ne pas glisser. Je renonce à la visite du Temple de la Lune et regagne Machu Pichhu. Là, je fais une pause à l’abris des deux maisons aux toits reconstitués. Comme je prends la direction de l’entrée, la pluie diminue fortement et avec un Bavarois qui était au sommet, nous décidons de pousser jusqu’au pont Inca. Arrivé à la barrière, on ne voit toujours pas le pont, il y a trop de brouillard. Nous passons la barrière, avançons d’une vingtaine de mètres et nous y arrivons. Accroché dans une falaise verticale, Les Incas ont construit un mur pour faire passer le chemin. Volontairement sur environ 5 m, il n’y a pas de mur mais un pont avec des poutres de bois. En cas de menace ils pouvaient les retirer en laissant ainsi un trou infranchissable, un peu comme le pont-levis de nos chateaux-forts. Comme nous retournons sur nos pas, le brouillard se déchire et nous avons une vue d’ensemble du lieu, c’est impressionnant. A quelques mètres de l’autre côté du pont, le chemin se perd. Il a été envahit par la végétation, mais suivait probablement une vire herbeuse au milieu d’une falaise vertigineuse. Le temps change et le brouillard disparaît, faisant place en fin de journée à un ciel sans nuage. Comme il a arrêté de pleuvoir, je reviens à ma première idée, rentrer à Aguas Calientes à pied. Bien sûr, non pas par la route, mais par le sentier très raide qui pique sur la station du train. En ½h je suis en bas, puis j’arpente la route pour commencer et finalement la ligne de chemin de fer jusqu’au village. Pour gagner quelques soles des jeunes (55) font la course avec le bus en descendant le sentier aussi rapidement que le bus et saluant d’un “Good Bye“ les passagers à chaque fois que le sentier croise la route. C’est possible, mais il faut aller vite. Normalement ils sont vêtus de l’habit des messagers des Incas qui portaient les nouvelles d’un coin à l’autre de l’Empire en courant.

 

Lundi, 23 septembre 1996
Aujourd’hui retour à Cuzco par le train local (56). Comme hier il a passé à 6h45 déjà, je me lève assez vite pour être sur le quai à temps au cas où il serait en avance. Hier soir il a eu 5h de retard et aujourd’hui ½h, ce qui est dans les normes. On ne sait pas trop quand il vient, mais il suffit d’observer les indigènes et quand ils se préparent, c’est le moment. Le train est plein quand il arrive et il y a bien des gens qui attendent. Pour entrer, l’unique solution est de pousser jusqu’à ce que l’on soit à l’intérieur et ensuite, retenir pour ne pas se faire écraser et garder une place potable. Places assises à oublier, on voyagera debout. A 7h30, le train repart et personne n’est resté à quai. Le train va “vite“ 20 km/h en moyenne sur tout le trajet. Les panneaux kilométriques s’égrènent très très lentement. J’ai chronométré 3 min. au kilomètre, c’est pas terrible. Il faudra 2h20 pour gagner Ollantaytambo où une grande partie des passagers descendent pour prendre le bus jusqu’à Cuzco, ce qui est plus rapide. A Pachar, nous quittons la vallée de l’Urubamba pour gagner les hauts plateaux par une vallée latérale qui, à un endroit, monte fortement et le train doit faire un zigzag. On monte lentement jusqu’à Tica Tica, le col en dessus de Cuzco. La descente commence par de grands S pour à nouveau se terminer par une série de 4-5 zigzags au milieu des premières maisons de Cuzco. Le voyage se termine après 5h30 à la station San Pedro. Je retourne à l’hôtel pour me reposer car je suis fatigué de ce voyage en train. La transition de la vallée de l’Urubamba à l’Altiplano (57) est super, bien que la ligne ne soit pas très stable. Les wagons balançaient de gauche à droite, parfois fortement.

 

Mardi, 24 septembre 1996
Aujourd’hui, journée de remise en état avec lessive et lavage de la tente. J’en profite pour remettre à jour mon carnet de bord car j’avais pris quelques retards pendant l’Inca Trail. Je prépare également un peu le programme des prochains jours. Simplement une journée repos.

 

Mercredi, 25 septembre 1996
Aujourd’hui, première visite de Cuzco et de ses différents centres touristiques. Après un bon déjeuner, je commence par acheter le billet multifonctions pour visiter la ville et les environs. Nous commençons par la visite du couvent de Santa Catalina, dont les bâtiments présentent un intérêt architectural certain, mais les peintures religieuses ne me passionnent pas vraiment et elles sont toutes de couleurs sombres. Le deuxième point au programme sera l’église et le couvent de Santo Domingo (58), et les restes du Temple du Soleil. Première surprise très désagréable, il faut payer malgré que le site figure sur le billet. C’est du vol. Les touristes font les frais d’une lutte juridique entre le gouvernement et les pères dominicains. Le couvent est construit sur les ruines du temple. Le couvent est d’un mauvais goût architectural et les réparations, suite au tremblement de terre de 1950, ont été bâclées. C’est vraiment dommage. A l’intérieur on peut voir les restes de 3 chambres de l’ancien Temple du Soleil. A vrai dire, je suis déçu de la visite de ces 2 premiers sites, ils ne présentent pas vraiment un intérêt très grand. A oublier. Nous descendons l’Avenida del Sol jusqu’au monument dédié à Pachacuti. Nous montons dans la tour pour avoir une vue de la cité. Nous apprenons qu’une course automobile va arriver à Cuzco, il y a les préparatifs dans la rue en bas, mais après 1½h d’attente, nous reprenons le chemin du centre en faisant un saut à la poste pour acheter des timbres, aussi cher qu’en Suisse. Je vais attendre d’être en Bolivie pour envoyer d’autres cartes. Je décide de faire un tour à cheval pour visiter les ruines incas au-dessus de Cuzco.

 

Jeudi, 26 septembre 1996
Il pleut ce matin et le ciel est couvert sur toute la région. Cela ne laisse rien prévoir de bon pour notre tour à cheval. Il semble que la pluie va cesser quand un bus vient me chercher devant l’hôtel à 8h30. Nous partons en direction de l’aéroport jusqu’à San Jeronimo, où nous attendent les chevaux. Pour notre taille ils ne sont pas trop grands, mais ça devrait aller. Nous montons pour plus de 2h jusqu’à ce que nous rejoignons la route Cuzco-Pisac. Les chevaux ne vont pas très vite et n’obéissent qu’aux ordres du maître. D’un côté c’est bien, on n’a pas de mauvaise surprise et d’un autre côté on s’endort presque. Dans la deuxième partie le chemin n’est pas facile, c’est un sentier à flanc de coteau parfois raide et pas facile pour nos chevaux. L’avance lente nous permet de bien admirer le paysage qui est absolument super. Toutes les montagnes et collines cultivées qui entourent Cuzco sont importantes, et à les voir d’en bas, on ne peut pas le supposer. Ensuite nous longeons la route jusqu’aux premières ruines: Tambo Machay. Ce lieu fut certainement dédié au culte de l’eau. L’ensemble est en bon état et la provenance de l’eau pour les bains n’est pas connue. Avant de remonter sur nos chevaux, nous visitons encore rapidement le site de Puka Pukara. Nous commençons la descente sur Sacsayhuaman, les importantes ruines au-dessus de Cuzco. Ici se termine notre tour à cheval et j’ai le temps de visiter les ruines avant que la pluie ne revienne. De ces ruines il ne reste que les 3 murs d’enceinte qui ont env. 360 m de long, avec certains blocs de plus de 130 tonnes. Ces murs sont vraiment imposants. Ce site fut le lieu d’une bataille entre Espagnols et Manco Capac (59), le dernier Inca, qui lors de l’insurrection perdit cette bataille et ainsi toute chance de bouter les Espagnols hors de l’Empire. La partie arrière, derrière le réservoir, est composé d’une espèce de labyrinthe naturel, très intéressant. En vingt minutes à pied nous sommes de retour au centre de Cuzco. Je vais visiter la cathédrale, mais encore une fois, je ne la trouve pas terrible, tout est très sombre, il y a très peu de lumière. C’est un peu un style en Amérique du Sud de construire des églises sombres et peu accueillantes, terriblement austères. Demain je vais partir pour visiter la Vallée Sacrée, en utilisant les transports publics.

Vendredi, 27 septembre 1996
Il pleut à nouveau, mais assez fort cette fois. Je ne me presse pas pour boucler mon sac avec ces conditions météo. Une fois que tout est prêt, je vais déjeuner dans la fameuse rue Procuradores. Ensuite je pars en direction du terminal des bus pour Pisac. Avec la pluie, le terminal est presque transformé en lac de boue, pas terrible, mais j’ai la chance qu’un bus est sur le point de partir et il y a encore de la place. Nous passons par les ruines vues hier, avant de passer le col et de redescendre sur la vallée de l’Urubamba. Nous atteignons Pisac après 1h de route. Pisac est un petit village, célèbre pour son marché du dimanche et ses ruines Incas. Elles sont situées très haut au-dessus du village sur une arête rocheuse. Comme il ne pleut plus, je décide de monter à pied. Je prends le chemin très raide qui monte aux tours fortifiées qui surveillent la vallée. Le sentier est très raide et passe par de nombreux escaliers et terrasses encore utilisés aujourd’hui. Il y a de magnifiques coups d’œil sur la vallée et les montagnes aux alentours. Cette approche des ruines montre à quel point il était difficile de les atteindre. La surface sur laquelle s’étend le site est plus grand qu’à Machu Picchu et les constructions sont faites avec la même attention, si ce n’est plus. Le système de terrasses est absolument grandiose et souvent accroché au-dessus du vide. Les constructions les plus soignées et raffinées sont situées à l’Intihuatana, avec temples du Soleil et de la Lune. Certains chemins passent à flanc de coteau et il y a même un tunnel, fissure naturelle dans le rocher qui a été agrandie. Les maisons sont accrochées à l’arête dominant le vide. Tout le site m’impressionne beaucoup malgré que j’aie déjà vu Machu Picchu, c’est plus aérien, plus audacieux, une véritable forteresse accrochée à la montagne. De l’autre côté du Rio Quitamayo, il y a de nombreux trous dans la falaise, il s’agit de tombes mais qui ont, depuis longtemps, été pillées comme c’est souvent le cas. La pluie fait son apparition et je reprends le chemin de la vallée. A Pisac il y a très peu de touristes en dehors des jours de marché. Nous sommes 3 en tout, deux Anglaises et moi. La vie du village est bien tranquille et il n’y a pas beaucoup d’activité une fois la nuit tombée. Certains restaurants ne fonctionnent que 2-3 jours par semaine quand les touristes sont là. Une des grandes spécialités est la céramique. Les objets sont faits dans la campagne et peints au village, il y a plusieurs ateliers, on peut voir les artistes au travail.

 

Samedi, 28 septembre 1996
Il fait meilleur. Bien que le ciel soit encore bouché, le soleil brille à nouveau. Le voyage aujourd’hui n’est pas très long et je ne me lève pas trop tôt bien que le bruit dans l’hôtel ait commencé à 6h00 déjà. Je prends le bus qui me conduit, en suivant la Vallée Sacrée, jusqu’à Urubamba où je change de bus pour aller à Ollantaytambo, village que nous avons traversé en allant à l’Inca Trail. En suivant les conseils de Martin (60), je décide d’aller faire un saut aux salines déjà exploitées et utilisées avant l’ère des Incas. La récolte du sel continue aujourd’hui. Pour cela il me faut revenir en arrière jusqu’à Tarabamba. Là il faut traverser le Rio Urubamba pour ensuite remonter, pour ½h, une vallée très aride. Le blanc du sel contraste grandement avec la couleur terre rouge des alentours. C’est absolument incroyable, les salines sont travaillées comme il y a 200-300 ans, c’est-à-dire que l’eau salée est répartie dans des bassins où elle s’évapore, et les indigènes récoltent le sel qu’ils mettent dans des sacs, qui sont ensuite transportés à dos d’âne jusque dans la vallée. Toutes ces terrasses aux couleurs différentes donnent un aspect fascinant. Je retourne en bus au village. Il y a beaucoup de touristes, ce qui fait que j’attends avant de visiter les ruines. Comme je m’approche, le soleil projette de grandes ombres sur ces ruines et ça ne sera pas bon pour la photo. J’irai donc visiter le site d’Ollantaytambo demain matin au soleil levant, la luminosité sera bien meilleure.

 

Dimanche, 29 septembre 1996

Quand je me réveille, le ciel est couvert mais on voit que le temps s’améliore, si bien que j’attends un peu avant d’aller visiter les ruines. Vers 7h00 cependant je suis sur les lieux. Le soleil est de la partie et c’est super car je suis absolument seul, et cela donne encore un aspect plus grandiose, plus imposant. Les temples n’ont jamais été finis, c’est pourquoi on voit de nombreux gros blocs sur le chemin du temple. Le tout est protégé par une série d’une bonne quinzaine de murs de protection de 3m de haut. Ce sont eux qui ont fait échouer l’attaque des Espagnols lors d’une terrible bataille. Bien que pas terminé, le temple montre une construction grandiose et raffinée, un peu différente des autres sites que j’ai visité. Il semble qu’il y ait une structure similaire à Tiahuanaco (61), on verra quand je serai là. La visite de Ollantaytambo m’en met plein les yeux car c’est vraiment différent des autres sites. Je prends un grand plaisir à visiter ce site et mon appareil photo ne reste pas inactif. Il me faut plus de deux heures pour en faire le tour. Une fois terminé, je retourne prendre mon sac à l’hôtel et je vais attendre le bus sur la Plaza de Armas. Un premier trajet me conduit à Urubamba et ensuite un autre bus me ramène à Cuzco en passant par Chinchero, histoire de voir une autre chose, un autre paysage. Vers 13h30 je suis de retour à Cuzco pour les derniers jours avant de me déplacer au sud, vers le lac Titicaca.

 

Lundi, 30 septembre 1996
Aujourd’hui journée de transition avec lessive, film test pour mon appareil photo et préparation du voyage Cuzco-Puno. Téléphone en Suisse pour savoir comment ça va, et voir s’il y a des problèmes avec mon aventure de Tumbes. Tout semble en ordre.

 

Mardi, 1er octobre 1996
Nouvelle journée de transition, je vais acheter mon billet touristique pour ne pas devoir surveiller mes bagages sans arrêt, même si ça coûte presque le double du tarif local. Je visite le musée des arts religieux bien que les peintures ne m’intéressent pas vraiment, mais l’architecture du bâtiment est absolument superbe. Une maison coloniale malheureusement construite sur des ruines Incas.

 

Mercredi, 2 octobre 1996
Journée de mouvement vers le sud pour 385 km. Je me lève plus vite que d’habitude car il me faut être à 7h30 à la gare. Je prends le taxi et comme il n’y a presque pas de circulation, je suis à 7h10 déjà sur place. Je monte dans le wagon réservé pour me retrouver avec 3 Canadiennes sympathiques, mais avec beaucoup de bagages et assez corpulentes. L’idée de faire le voyage à 4 dans un compartiment ne les enchante guère, moi non plus. Elles choisissent la classe supérieure, payent le supplément et passent dans l’autre wagon. Je ferai le voyage seul dans le compartiment. A 8h00 il n’y a toujours pas de locomotive et c’est l’heure de partir. Une annonce nous indique que le départ est reporté de 40 min. pour ennuis techniques. Une fois le temps écoulé un nouveau report est annoncé. Puis on certifie que la loco est en route et qu’elle arrivera sous peu. Cela se révèle exact. Finalement à 10h00 soit avec deux heures de retard nous nous mettons en route. Premièrement le trajet descend jusqu’à Huambutio, à 3100 m, pour ensuite remonter la vallée du Rio Vileanota jusqu’à Sicuani à 3553 m. Le paysage change constamment, particulièrement la végétation et la forme des montagnes. A Sicuani nous faisons une longue pause, il est vrai que la locomotive doit refaire le plein de diesel. Le service dans le train est en ordre, le repas suffisant et bon malgré son prix élevé. De Sicuani, la ligne monte plus fortement pour finalement gagner le col La Raya à 4321m (62). La région est relativement aride et il ne pousse plus que des herbes sèches. Nous sommes sur le train le plus haut du monde, qui fonctionne encore, et à son point culminant. De là on redescend lentement en traversant tout l’Altiplano ou paissent des lamas et des alpacas (63) (de la famille des chameaux). Le paysage est absolument magnifique, change constamment, et l’ensoleillement de cette fin d’après-midi est simplement parfait. Je croyais que le paysage allait rester semblable jusqu’à Juliaca, alors qu’il fait déjà nuit depuis plus d’une demi-heure soit vers les 18h45. Là il faut prendre nos précautions car c’est le lieu d’action privilégié des voleurs. Le personnel ferme même les portes à clé de l’intérieur. Mais rien ne se passe et après ½h, nous continuons en direction de Puno. Un nouvel arrêt en pleine cambrousse, d’une bonne vingtaine de min. pour croiser un autre convoi, et enfin le train repart. Finalement sur le coup des 21h00 on entre en gare de Puno. Il nous a fallu 11h de voyage, alors que normalement il en faut 10h, et avec le retard 13h de voyage. La fin du voyage, surtout qu’il faisait nuit, a pesé sur le moral des voyageurs. C’est relativement fatigué que je sors du train et heureusement l’hôtel n’est qu’à quelques mètres de la gare. La réservation a fonctionné et je ne demande pas mon reste pour me coucher. Je suis arrivé au bord du lac Titicaca, un nom qui fait rêver. Il a une surface de 9000 km2 soit presque le quart de la superficie de la Suisse, presque une mer, et les tempêtes sont parfois très violentes. Le lac est à 3800 m d’altitude alors que la ville de Puno (64) est à 3855 m. C’est une des régions habitées la plus haute d’Amérique.

 

Jeudi, 3 octobre 1996
Après m’être levé et avoir pris une douche chaude bienvenue, je pars déjeuner. Ensuite commence l’organisation des prochains jours à Puno. Je descends jusqu’au port pour voir d’où partent les bateaux et je rencontre un type d’une agence qui me propose un tour, pour un prix intéressant, qui visite les 3 îles sur deux jours. Un sondage auprès d’autres agences me montre que c’est le prix normal que j’ai payé, mais au moins je ne me suis pas fait rouler. Je vais également acheter un pull d’alpaca mais il faut marchander dur pour baisser les prix. J’ai lu la remarque dans mon guide et je reste très ferme, obligeant la vendeuse à faire plus de chemin que moi. Cela étant réglé j’attend le bus qui doit nous amener aux ruines. Chose surprenante il est à l’heure, mais il faut bien ½h pour aller chercher tout le monde. Nous allons à Sillustani, des ruines précolombiennes, en fait des tours funéraires dont on remarque l’influence Inca dans la construction et le travail de la pierre. C’est une péninsule au milieu d’un lac, et au sommet de la colline se dressent les tours. La plus haute à 13 m mais beaucoup sont inachevées. Une a même encore la rampe de construction originale sur laquelle ils glissaient les pierres. Ces ruines sont de la civilisation Colla. Le lieu est presque à 4000 m. C’est un cimetière et chaque tour funéraire était en fait un caveau de famille. Les archéologues ont découvert de nombreuses momies à l’intérieur. Elles ont une forme qui selon le guide rappelle le pénis, donc la fertilité et les momies étaient dans la forme de foetus. Ces peuplades croyaient en la réincarnation. Cela semble être une explication plausible. Moi, je trouve plutôt que les tours ont la forme d’une urne funéraire, mais ...? . A la tombée de la nuit nous sommes de retour à Puno. Dans le restaurant où je soupe, rempli de touristes, deux groupes de musique folklorique se produisent. C’est très agréable de manger en musique. La nourriture à Puno est moins chère qu’à Cuzco. Les rues de la ville sont étroites et pas du tout appropriées à la grandeur de la ville et à son trafic. Ce n’est pas trop agréable de se promener, les trottoirs sont étroits et pour croiser il faut descendre sur la route au risque de se faire écraser. C’est un peu dommage. La rue piétonne est très agréable.

Vendredi, 4 octobre 1996
Aujourd’hui, départ pour un voyage de 2 jours sur le lac Titicaca pour visiter les îles. Comme promis le bus vient me chercher à l’heure et nous passons à travers les rues de Puno pour chercher d’autres passagers. Quand tout le monde est là, nous partons en direction du port où nous retrouvons notre guide Nestor. Nous embarquons sur un bateau où il y a déjà beaucoup de monde et de marchandises. Il n’y a plus que de la place sur le toit. Après un moment d’attente, nous nous mettons en route mais il faut d’abord nous entasser à l’intérieur de l’embarcation, car il est officiellement interdit de naviguer avec des passagers sur le toit. Les autorités du port surveillent, et on ne pourra remonter que quand on sera hors de vue! C’est sérieux. Bien sûr il n’y a pas non plus de vestes de sauvetage, en tout cas pas assez pour le nombre de passagers. Nous quittons le port en direction du canal qui donne accès au large. Depuis la baisse des eaux du lac en raison du manque de pluie, un canal a dû être creusé pour que le port de Puno reste accessible aux bateaux d’une certaine dimension. Nous sommes en route depuis 25 min environ, quand un bateau nous rattrape et nous oblige à s’arrêter. C’est le capitaine du port qui est très en colère car notre capitaine a quitté le port sans faire signer tous les papiers nécessaires. Un excès d’autorité de sa part, ou a-t-il raison? Je ne saurais le dire mais dans tous les cas, notre guide trouve qu’il a raison. Nous devrons faire demi-tour et après 1h de navigation nous sommes de nouveau à quai. Ça commence bien. Mais très rapidement notre guide organise un autre bateau à bord duquel nous serons seuls et une demi-heure plus tard nous repartons en direction du large mais cette fois-ci avec toutes les autorisations indispensables. Comme nous avons 1½h de retard nous n’allons pas nous arrêter aux îles des Uros (65), nous le feront en rentrant, mais allons directement à l’île d’Amantani. Sur l’île vivent environ 4500 personnes réparties en 8 villages. Cette île n’a ni l’eau courante, ni l’électricité. Cependant cela devrait être bientôt le cas car le gouvernement est en train de construire l’infrastructure nécessaire. Cela provoquera un grand changement dans la vie traditionnelle des habitants. Après 3½h de navigation nous y sommes. Il n’y a ni hôtel ni restaurant, l’île n’étant pas encore trop envahie par les touristes. Par deux, nous sommes placés dans une famille, mangerons et dormirons avec elle. Tous les indigènes sont très accueillants et sympathiques. Nous nous retrouvons dans une maison avec des murs de terre et un toit de tôle ondulée. Très souvent la tôle ondulée a remplacé le chaume où matériel similaire. C’est très simple mais accueillant. Ce qui nous impressionne particulièrement, c’est l’escalier de bois (nous sommes à l’étage) et la porte qui doit faire au maxi 1,2m. Nous sommes chez une veuve dont l’apport touristique doit lui faire du bien. Elle nous cuisine le dîner; œuf, frites et riz avec une bonne soupe avant. Nous ne buvons pas du maté de coca, mais une autre plante aromatique qui pousse dans l’île, excellent. Après le repas, nous nous retrouvons sur la place du village pour aller visiter l’île et grimper sur un des deux sommets. Nous choisissons le Pacha Tata car le soleil commence à descendre et nous aimerions voir le paysage. La grandeur du lac est simplement incroyable, presque une mer; il a 233 km de long, 97 km de large dans la partie la plus large et 600m dans la partie la plus étroite, le détroit de Tiquina en Bolivie. La profondeur est de 286m, mais tout n’a pas encore a été mesuré. Une fois le soleil couché, nous redescendons rapidement car il fait très vite froid à 4100m. Le souper ressemble au dîner à part la soupe. Ils ne doivent pas avoir une grande diversité dans la nourriture. Comme il n’y a pas de lumière, il faut bien repérer le chemin pour retrouver la maison de nuit. Dans la soirée nous nous retrouvons au café du village pour boire une bière et écouter un groupe de musique folklorique. Aucun bruit ne vient troubler le silence de la nuit.

 

Samedi, 5 octobre 1996
Après le déjeuner: soupe et œuf, nous embarquons au port pour atteindre, en 1h, la deuxième île, celle de Taquile. Les habitants sont différents d’Amantani et vivent plus en communauté, tous pour un, un pour tous. On voit que l’île est plus touristique que l’autre, les maisons sont en général plus riches et ils ont des panneaux solaires pour produire l’électricité. Il y a plusieurs restaurants et deux maisons d’artisanat où les produits locaux sont vendus à des prix exorbitants, à comparer avec Puno. Chose surprenante, ce sont les hommes qui tricotent! On les voit partout. Pour regagner le bateau, il nous faut descendre 543 marches d’escalier. Je préfère les descendre que les monter à cette altitude, c’est très raide. Le bleu du lac donne une violence et une intensité très forte au panorama. Le nom Titicaca (66) signifie “Puma gris“; Puma pour le lac et gris de pierre pour les montagnes qui l’entourent, qui sont arides et de la même couleur tout autour du lac. Nous mettons à nouveau le cap sur Puno, mais avant, nous faisons escale chez les Uros, cette peuplade célèbre qui vit sur des îles flottantes au milieu du lac. Malheureusement en raison de la baisse des eaux du lac, il n’y en a plus qu’une qui flotte, toutes les autres se sont posées sur le sol. Bien évidemment, le tourisme a complètement détruit l’originalité de cette civilisation. Il est vrai que je me sens un peu mal à l’aise, car à peine débarqué chacun marche dans toutes les directions pour regarder, faire des photos sans se soucier des habitants qui vivent sur cette île. Elle n’est pas très grande, Ø 30m env. On manque de respect mais je pense que depuis le temps ils ont l’habitude, mais ça n’excuse rien à mes yeux. On va faire un petit tour sur les fameux bateaux de jonc. Quand ils sont bien faits, ils tiennent le coup pour 6 mois - 1 année, et ensuite ils sont trop imprégnés d’eau pour pouvoir servir. A la tombée de la nuit nous arrivons au port de Puno. Une superbe virée sur le lac pour visiter des îles dont une est encore authentique, quelques mois avant que n’arrive l’électricité.

Dimanche, 6 octobre 1996
Journée de repos. Je monte sur la colline au nord-ouest de la ville. Il y a un chemin de croix avec un coup d’œil super sur la ville et le lac Titicaca. On doit avoisiner les 4000m. Je redescends par l’arrière histoire de changer de chemin, mais je fais ma première rencontre désagréable avec le genre canin. J’avais vu arriver la chose et j’avais fait ma munition de pierre avant de passer les maisons. J’ai eu également mon premier signe d’hostilité de la part d’un jeune, mais bien vite compensé par l’amabilité d’une indigène qui m’a indiqué le bon chemin sans même que je le demande. La ville ne présente pas vraiment d’intérêt particulier. Ce n’est qu’une base pour les excursions dans la région. C’est mon avant dernier jour au Pérou. Demain je vais passer la frontière et entrer en Bolivie.

 

Lundi, 7 octobre 1996
Je me lève très vite car il faut prendre le bus à 7h45 pour me rendre en Bolivie. Mais voilà que la personne à la réception me dit que la frontière est fermée du côté bolivien à cause de grèves. Je me rends cependant quand même au terminal, simplement pour me faire confirmer ce que l’hôtelier m’a dit. Aucun bus pour La Paz ne part aujourd’hui, seulement pour Yunguyo. Mais comme le passage n’est pas certain même en marchant, je préfère reporter mon voyage d’un jour. Je vais marcher le long du lac et je constate que c’est un dépôt d’ordures. Ils n’ont vraiment aucun respect pour l’environnement, malgré qu’ils en voient les conséquences. Il est interdit de se baigner et de pêcher dans la baie. Les ruisseaux d’égouts sont verts et noirs avec une odeur à faire vomir. Je rentre en ville et monte au parc où il y a la statue de Manco Capac, le fondateur de l’Empire Inca. Là, le parc est propre bien que mon guide me dise le contraire. Autrement il n’y a pas grand chose à faire de plus à Puno.

 

Mardi, 8 octobre 1996
Aujourd’hui c’est le bon jour. Le bus part à l’heure et nous longeons les rives du lac avec une vue magnifique sur toute la région. En 2h nous sommes à Yunguyo, la ville frontière où nous pouvons changer de l’argent très facilement. Le bus continue jusqu’à Kasani où se trouvent les deux postes frontière. Tout se passe très facilement et sans encombre.

 

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(45) La corruption de la police est très présente dans beaucoup de pays d’Amérique du Sud.
(46) Capitale du Pérou crée en 1535 par Pizzare et qui compte aujourd’hui plus de 8’000’000 d’habitants.
(47) Nous avions été sur cette place le soir en 1992, mais à cette époque, nous n’étions pas sortis de la voiture, portes fermées et Julio avait son révolver sur lui. Aujourd’hui nous nous sommes promenés simplement et sans le moindre soucis. La sécurité s’est grandement améliorée.
(48) Cette ville fut la capitale de l’Empire Inca et est le principal centre touristique du pays. Elle est à 3310 m et compte 275’000 habitants. Son appellation en Quechua, la langue des Indigènes est Qosqo.
(49) La place centrale de chaque ville ou village au Pérou s’appelle Plaza de Armas.
(50) Un trekking de 4 jours qui emprunte, sur presque la majorité de son trajet, le chemin original construit par les Incas. Sur les deux premiers jours il a été reconstruit partiellement.
(51) La célèbre cité en ruine des Incas accrochée à la montagne surplombant la rivière Urubamba à 2380 m. Elle a été découverte en 1911 par l’Américain Hiram Bingham. En fait il a révélé son existence au monde entier car le lieu était connu des Indigènes et il y avait même des familles qui vivaient sur le site de la cité en ruine.
(52) Nom de la rivière qui traverse la vallée sacrée, son nom change en aval d’Ollantaytambo et devient le rio Vilcanota.
(53) Le long du chemin de l’Inca on trouve de nombreuses ruines, ce qui donne un bon aperçu de l’architecture Inca avant d’arriver à Machu Picchu.
(54) Ces ruines n’ont été découvertes qu’en 1941 alors que bien des gens avaient passé par là avant. Il est sûr qu’il y a encore des cités cachées au cœur de la forêt et qui attendent d’être révélées au monde.
(55) Une activité très appréciée d’un certaine classe de touristes, qui rapporte au jeune messager quelques pièces de monnaie les bienvenues. Il faut reconnaitre qu’il dévale le sentier à tombeau ouvert pour être au rendez-vous du bus. J’en ai vu plus d’un me dépasser comme l’éclair.
(56) Lorsque la locomotive démarre d’une gare par exemple, des flammes de 50 cm sortent de la cheminée en plus de la fumée noire.
(57) Grand plateau d’altitude dans les Andes qui commence au sud de Cuzco pour se terminer au sud de la Bolivie, env. 1500 km de long à une altitude moyenne de 4000m.
(58) L’église catholique et le Royaume d’Espagne sont responsables de la destruction de la culture Incas. Tout ce qui était possible a été rasé ou utilisé pour les constructions religieuses. Un acte qui serait aujourd’hui qualifié de génocide. Les conquistadores étaient en fait une véritable bande de brigands meurtriers, même si la version historique officielle les présente autrement. Pizzare était probablement le pire de tous.
(59) A ne pas confondre avec le créateur de l’Empire Inca. Le dernier Inca a pris ce nom pour essayer de donner un souffle de renaissance à la culture Inca, mais en vain. En fait c’est plus les rivalités et trahisons internes qui sont à l’origine de la désintégration de l’Empire Inca. Les Espagnols ont simplement su exploiter la situation à leur profit.
(60) Martin de Burgdorf était avec moi au Cho Oyu et a passé par ici il y a quelques mois.
(61) Ville et civilisation importantes de l’Altiplano qui était à son apogée entre les 8e et 11e siècle. La ville était alors construite sur les rives du lac Titicaca, mais aujourd’hui les eaux se sont retirées et se trouvent à plus de 60 km de là.
(62) Il existe encore un train qui est plus haut, entre l’Argentine et le Chili, mais réservé uniquement aux marchandises. Anciennement la ligne entre Lima et La Oroya montait à 4830m, mais les attentats terroristes du Sentier Lumineux (Groupe Marxiste) ont eu raison des ouvrages d’art et il ne semble pas que la ligne va reprendre un jour son activité.
(63) La laine est plus fine. Le lama et l’alpaca sont les deux seules espèces qui peuvent être domestiquées. La troisième, le vicuña, ne peut pas être domestiquée et il faut abattre les bêtes pour pouvoir récolter la laine encore plus fine que celle de ses frères.
(64) Puno est situé au bord du lac Titicaca, le plus grand lac d’altitude navigable du monde, à 3855m, et compte 80’000 habitants dont 8’000 étudiants à l’université des Andes.
(65) Peuple qui pour fuir les tribus qui le pourchassaient, s’est réfugié sur le lac en construisant des îles flottantes les protégeant ainsi de leurs ennemis. Ils ont été rendus célèbres par l’aventure du Kon Tiki, ce radeau de jonc construit selon la technique des Uros, qui à traversé une partie du Pacifique.
(66) La prononciation en langue Aymara est plus proche de “Ti-ti-kha-kha“. Le nom sous lequel il est connu actuellement vient d’une déformation lors de la transposition dans la langue espagnole.

 

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