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Chile

Journal de bord

 

Mardi, 5 novembre 1996
Le paysage monotone de l’Altiplano change radicalement du côté chilien. En effet nous allons descendre jusqu’au bord de la mer à Arica (94), une longue descente de 200 km sur une route à nous couper le souffle. Dans la partie supérieure, nous pouvons observer des vicuñas de très près. Nous passons ensuite par différentes montagnes, pour finalement descendre une vallée aux contrastes incroyables. Les pentes sont faites de sable et de rocs alors que le fond est verdoyant. Le voyage semble interminable mais finalement, au loin dans le soleil couchant, on voit la mer ce qui nous indique qu’Arica n’est plus très loin. Mais pour freiner notre progression, on doit passer plusieurs contrôles de police. Déjà que le passage de la douane chilienne avait pris une bonne heure, car ils ont fouillé tous les bagages, nous arrivons à Arica après les 19h00. Il faut dire qu’il y a l’heure d’été au Chili (95) et il n’y a que 4h de différence avec l’Europe. Ainsi je me retrouve à nouveau au bord du Pacifique, après 2 mois passé à l’intérieur du continent. Je dois dire que je suis content de ce changement car je commençais un peu à en avoir mare du haut pays. Vive le changement.

 

Mercredi, 6 novembre 1996
Première journée à Arica au nord du Chili. Toute la région est dans le brouillard ce matin, un peu comme à Lima, mais il y a des signes que ça va se lever et en effet, dans la journée le soleil sera de la partie; aussi fort que les autres jours, mais il y a une brume qui empêche une bonne visibilité pour faire des photos. Après avoir visité d’autres hôtels simplement pour voir et comparer avec le nôtre, nous montons dans un collectivo pour remonter la vallée d’Azapa, un serpent de verdure sur 13 km au milieu du désert, jusqu’au museo arqueologico où il y a des momies très vieilles env. 6000 av. JC. L’entrée est chère pour ce que c’est, mais la présentation est bonne. Il n’y a pas beaucoup de momies et de plus ce n’est pas une technologie et un savoir développé et utilisé comme en Egypte, mais c’est en fait la nature elle-même qui a fait le travail en asséchant les corps, et la teneur en sel du lieu a également aidé à la conservation, cependant intéressant de voir le résultat. Par une série de vitrines, on peut voir l’évolution des populations de la région au travers des temps, avec l’influence apportée par les différentes civilisations qui ont occupé la région. De retour en ville, nous allons manger au marché où il y a de bonnes petites échoppes avec des plats du jour. Ensuite on monte sur la colline dominant la ville, El Morro, qui vit une victoire- éclair le 7 juin 1880 du Chili sur le Pérou (96). Le lieu fut pris en 55 min. Il y a un musée d’histoire de cette guerre au sommet. Il a été inauguré par le général Pinochet et présente armes et uniformes de la guerre du Pacifique. Il faut dire que l’armée chilienne était soutenue par les Anglais qui avaient des intérêts dans la région. Du sommet nous voyons les petites plages au sud, mais vraiment rien d’attirant. Nous allons voir au nord la plage de Chinchorro, mais elle non plus n’a rien d’attirant, elle est sale et les cailloux sont recouvert d’algues ce qui laisse supposer une eau pas très propre. Ce ne sont pas des plages très attrayantes et c’est décidé, je ne vais pas rester pour très longtemps ici, car on a vite fait le tour, et descendre en direction du sud pour Iquique.

 

Jeudi, 7 novembre 1996
Comme nous avons pour ainsi dire vu tout ce qu’il y avait à voir, il ne nous reste plus qu’à aller sur la plage. Celle du nord; non car elle est très sale et nous espérons que la première plage au sud, celle de El Laucho sera mieux. En effet elle est plus propre avec moins de déchets, mais dans un des coins de la baie il y a comme une nappe de pétrole, enfin ce n’est pas propre. Le soleil ne brille pas toujours, mais il ne fait pas froid malgré la brise. Au niveau du sol il fait même chaud quand le soleil tape et il faut faire attention, car en dehors de la tête et des avant-bras, je ne suis pas bronzé. On passe tout l’après-midi sur la plage à se dorer, mais sans aller dans l’eau. Premièrement elle n’est pas très chaude et il y a des vagues assez dangereuses et des récifs de rochers qu’il vaut mieux éviter. Il fait bon se reposer ainsi sur la plage, la première fois depuis les Galapagos. Nous avons également acheté les billets pour Iquique et comme toutes les compagnies ont le même prix, nous avons choisi celle qui avait l’horaire qui nous convenait le mieux. Demain, la longue descente vers le sud en traversant le Chili va commencer, plus de 5000 km du nord au sud, d’Arica à Punta Arenas.

 

Vendredi, 8 novembre 1996
Mouvement vers le sud jusqu’à Iquique (97), un port important sur la côte nord. Le temps à Arica est couvert. Nous montons sur le plateau désertique à env. 600m et de temps en temps nous descendrons au fond d’un cañon, d’une vallée profonde, avant de remonter de l’autre côté et pour à nouveau traverser une partie du plateau désertique. Nous passons également plusieurs postes de contrôle de la police, elle est beaucoup plus présente que dans les autres pays. Ici tout est très cher, mais on voit aussi la différence de confort dans les bus avec un service meilleur, bien que pour ce court trajet, j’utilise le bus normal (98) et pas les classes semi-cama ou cama. Nous sommes arrêtés par des manoeuvres militaires pendant plus d’une demi-heure et nous voyons passer tanks et avions de combats, finalement nous pouvons poursuivre et à l’intersection pour Iquique nous prenons à droite pour rejoindre la côte et le port. Comme nous entamons la descente du plateau, nous entrons dans les nuages et le soleil restera absent pour le reste de la journée. Peu après 14h00 nous sommes en ville et je me rends bien compte que je ne vais pas y rester très longtemps. Il y a quelques bâtiments coloniaux, mais rien de plus et la zone libre ne me permet pas d’acheter ce que je cherche. En suivant les conseils de mon guide, j’ai fait une très mauvaise affaire avec mes films, ici ils coûtent le double qu’en Bolivie et au duty free ils sont plus chers qu’en ville! Mais voilà, je ne savais pas. J’ai constaté une chose, c’est qu’il y a plus d’informations fausses sur le Chili que pour les autres pays que j’ai visité. J’espère que ça ne va pas continuer comme cela, car sinon j’aurai des drôles de surprises et des mouvements dans le vide en cherchant des trucs qui n’existent plus.

 

Samedi, 9 novembre 1996
Aujourd’hui je vais faire un tour dans le désert d’Ata-cama, histoire de voir ses différentes facettes. D’Iquique nous remontons premièrement sur le plateau du désert où nous retrouvons le soleil. Il faisait relativement froid au port. Nous ne pouvons pas visiter Humberstone, une ancienne ville minière car elle est fermée depuis 8 mois pour un problème juridique, mais nous avons la possibilité de voir celle de Sta. Laura juste à côté, mais plus petite et avec moins d’infrastructure. La mine est fermée depuis 1956 et il y a encore une grande infrastructure en place, mais le lieu se dégrade lentement. On se croirait dans une cité fantôme d’un Western. Ici furent exploités le nitrate et le salpêtre. Le gouvernement chilien considère ces sites comme monuments nationaux. Le Chili a très longtemps vécu de ces mines exploitées par des compagnies anglaises et américaines. Le guide nous explique toute la procédure pour extraire le produit voulu de la terre. Il était mélangé à de l’eau chaude sous pression et on voit encore les chaudrons et bassins imposants. Nous continuons et traversons une autre partie du désert toute particulière, car il y a une véritable forêt qui y pousse, mais bien vite on retrouve les cailloux et le sable. Nous nous approchons d’un des cerro de la cordillère pour admirer les geoglifos de Pintado. Ce sont des figures dessinées à même le sol sur le flanc des montagnes. Il y en a plus de 300 avec des thèmes des Andes, mais aussi de la côte, car on peut voir en plus des lamas, un requin, des condors et un aigle. Il y a également des êtres humains et des figures géométriques. Ça ressemble un peu à Nasca (99), mais moins subtil et surtout bien plus visible, mais il faut un certain recul pour bien voir. Malheureusement les chercheurs d’or et mineurs en ont détruit une bonne partie, car seul l’or et l’argent les intéressait. Après les figures, nous traversons le désert dans toute sa largeur jusqu’à l’oasis de Pica où poussent des oranges, des citrons, des mangues, du raisin et bien d’autres fruits. Il y a ici également une source d’eau chaude, enfin tiède, avec une piscine semi-naturelle pour se baigner. C’est également dans la région qu’est captée l’eau potable pour Iquique et qui est amenée en ville par un aqueduc de 120 km. Comme il traverse le désert, il n’y a jamais d’eau froide en ville à cette époque. Il fait très chaud malgré le ciel un peu couvert et comme je ne suis pas habitué, j’en souffre un peu. Sur le chemin du retour nous visitons encore quelques églises, toutes construites en bois. A la nuit tombée nous revenons en ville. Ce fut une longue et intéressante journée dans ce désert dit le plus sec du monde.

 

Dimanche, 10 novembre 1996
Nouvelle étape vers le sud mais pas très longue. J’ai décidé de faire la route au bord de la côte, plutôt que de passer par la Pan-Americana (100) pour me rendre à Calama. Cela m’oblige à passer par Tocopilla, un port d’une vingtaine de mille d’habitants. Le voyage sur la route côtière est très intéressant et varié, en dehors du temps qui lui reste couvert. Nous passons parfois à flanc de coteau où la pente est très raide jusqu’à la mer, d’autre fois nous traversons une plaine sablonneuse où, par exemple, est construit l’aéroport d’Iquique. Il y a également deux terrains de golf tout en sable et terre simplement de couleur et consistance différente, ça me rappelle celui de Coober Pedy (101) en Australie. La côte n’est propice à la baignade qu’en de rares endroits car elle est balayée par d’énormes vagues qui viennent se fracasser contre les rochers. Rien de très attirant en dehors de cette eau qui se jette contre les falaises. Le bus pour Calama ne part qu’en fin de journée, ce qui me ferait arriver de nuit, si bien que je décide de passer la nuit à Tocopilla. Pour la première fois en Amérique du Sud, j’ai de la peine à trouver un hôtel avec des chambres de libre dans ma catégorie, étrange! Je décide de rester ici car le lieu me plaît au premier coup d’œil, avec un front de mer plus accueillant qu’à Arica où Iquique. En me promenant dans les rues, j’ai comme une impression de ville “western“ et je suppose que c’est dû aux vieilles maisons en bois, mais ça donne vraiment un petit air de ...

 

Lundi, 11 novembre 1996
Lever assez tôt pour aller prendre le bus à 7h20. Aujourd’hui changement total. Départ en direction de l’Est et rentrée à l’intérieur des terres à l’endroit où le Chili est le plus large, env. 180 km. De Tocopilla nous remontons une vallée profonde et étroite qui nous conduit finalement sur le plateau du désert d’Atacama. En fait, avant hier nous étions dans une région dite Pampa del Tamarugal, une partie du désert. Nous passons par Maria Elena, une ville qui doit son existence uniquement à l’une des trois dernières mines de nitrate encore en activité. Toute la production est acheminée à Tocopilla par chemin de fer électrique (102). Eh! oui, la première ligne électrifiée que je vois en Amérique du Sud. De là, nous traversons une série de collines par une route en mauvais état pour finalement déboucher à Chuquicamata, une nouvelle ville minière au nord de Calama. Je reviendrai sur cette mine de cuivre demain, car elle fera l’objet de ma visite. La ville de Calama n’offre rien de très particulier, elle est située à 2265m d’altitude avec une population de 100’000 habitants. Je suis encore à 1564 km de Santiago.

 

Mardi, 12 novembre 1996
Lever normal vers les 8h15 pour aller prendre le collectivo sur la place principale. Les rues sont encore désertes. Il faut peu de temps pour remplir le taxi et nous voilà partis pour les 16 km qui nous séparent de Chuquicamata, la fameuse mine de cuivre. Le tour ne part que s’il y a 15 touristes, mais ce n’est pas un problème car il y en a assez dans la région. A 10h00 on nous présente une vidéo sur grand écran, la manière d’extraire le cuivre. Il y a deux méthodes; la première est l’extraction du minerai, ils en tirent 10 kg par tonne de minerai, et l’autre est par processus chimique où ils utilisent l’acide sulfurique pour récupérer le cuivre encore contenu dans les déchets. Il y a de vraies montagnes de déchets qui étaient considérés comme inutilisable, mais qui aujourd’hui sont retraités. Après le film, nous montons dans le bus et allons jusqu’au point de vue qui nous permet de voir le puits de la mine. Il est gigantesque et impressionnant, 4 km de long, 2 de large et actuellement 750 m de profondeur. Ils pourront aller jusqu’à 1000 m mais devront arrêter après, car les pentes seront trop raides et dangereuses. Pour remonter le minerai, ils utilisent des camions géants de 8 m de hauteur qui transportent une charge de plus de 200 t à la fois. Malheureusement, nous n’en verrons pas un de très près pour se rendre compte de la grandeur. On les voit bien au fond du trou, mais c’est tout. Une chose est sûre, les autos en comparaison sont minuscules. J’aimerais bien descendre, mais pour des raisons de sécurité il est impossible de le faire. Ensuite nous faisons le tour du site et passons devant la fonderie, sans y entrer, ce qui est très dommage et très rapidement le tour se termine après 1h15. Ce n’est pas vraiment ce que le guide nous laissait sous-entendre, et on reste sur notre faim car le tour n’est pas effectué de manière professionnelle. La guide, avec sa petite voix, n’arrive pas à se faire entendre de tout le bus; il y a toujours une moitié qui n’entend pas et elle parle très rapidement, à la manière des Chiliens, ce qui pour nous étrangers ne facilite pas les choses. Ils pourraient au moins installer un micro dans le bus, et la guide prendre des cours de diction comme les journalistes de la TV qui eux parlent distinctement. Je suis déçu et si c’était à refaire, je n’y retournerais pas, ça n’en vaut pas la peine. Il semble qu’il y a quelques années le tour était mieux conduit et durait plus longtemps, c’est dommage car le lieu est intéressant et vraiment spécial pour le commun des mortels. Demain je vais me déplacer dans le seul lieu vraiment touristique du Nord du Chili, à San Pedro de Atacma, très près de la frontière bolivienne et là visiter un ou deux lieux du désert, avant d’entreprendre cette fois une descente rapide jusqu’à Santiago, la capitale du pays. Je ne pense pas y rester trop longtemps car j’y séjournerai avant d’entreprendre la traversée du Pacifique. Mais tout dépendra en fait quand partent les ferry de Puerto Montt à Puerto Natales, et quand il y aura des places disponibles. Ce sera une de mes premières tâches à Santiago, car de ce transport dépendra la planification de mon voyage vers le Sud et la Terre de Feu. Je suis conscient que le compte à rebours sud américain va commencer. Même si j’ai encore le temps et si je veux faire du trekking en Patagonie, il ne faut plus trop que je tarde à descendre au Sud. Je passe aussi mon temps libre à planifier mon séjour à l’île de Pâques qui semble tomber pendant le festival annuel, ce qui d’un côté est super, mais d’un autre, qu’il faudra trouver une place pour dormir et c’est cher, les places les meilleures marché seront très vite prises. Ici à Calama, il fait très chaud l’après-midi malgré le vent qui souffle.

 

Mercredi, 13 novembre 1996
Pour en revenir rapidement à hier lors du film, ils ont beaucoup insisté sur l’aspect écologique, tant insisté qu’en fait c’est suspect. Ils disent que les émissions de fumées toxiques ont été réduites de 70%, ce qui est peut-être vrai, mais il reste encore beaucoup à faire. C’est de la propagande similaire à celle du terminal de l’oléoduc d’Alaska. Je me lève donc relativement rapidement pour le rythme de vie chilien et vais prendre mon bus pour me rendre à San Pedro de Atacama. De Calama, nous traversons de vastes étendues de désert par de longues lignes droites de la route, c’est vraiment sec et il n’y a que des cailloux à perte de vue. Nous montons lentement pour passer la Cordillera de Domeyko, avant de redescendre sur le bassin du Salar de San Pedro et l’oasis tout au nord où est construit le village. Toute cette couleur verte est un changement brusque dans la monotonie de couleur brun-gris du désert. C’est un petit village et on en a vite fait le tour. L’ambiance me plaît tout de suite et je vais passer 2 jours et demi ici, bien sûr en faisant des tours dans le coin. Le ciel est couvert et heureusement diminue un peu la chaleur, mais malgré tout il fait toujours bien assez chaud à mon goût. On est à 2436m d’altitude. On est également au pied du volcan Lincancabur, mais de l’autre côté de la Laguna Verde, ce qui veut dire que l’on est bien près de la Bolivie ici. San Pedro est également un lieu de passage pour la route qui relie Antofagasta à Salta en Argentine. Pour ainsi dire, toutes les maisons sont construites en murs avec des briques de boue séchée et le toit recouvert de chaume et de bambou. La poutraison est faite avec du bois de cactus. Particulièrement, toute la charpente du toit de l’église est en bois de cactus, il est reconnaissable aux nombreux trous. C’est une des plus vieilles églises d’Amérique du Sud. Il y a beaucoup de poussière dans toute la région et il faut s’y faire, c’est un des éléments de la vie ici et personne ne s’en préoccupe trop. Il semble qu’il y a plus de touristes que de résidents, du moins dans les rues. C’est à l’heure actuelle probablement le revenu principal du village. Les rues sont remplies d’agence de voyage.

 

Jeudi, 14 novembre 1996
Lever très matinal à 3h40. Le bus passe nous prendre à 4h00. Le ciel est tout étoilé, ce qui laisse présager une très belle journée. Il fait frais mais le chauffage fonctionne. Nous avons une longue route jusqu’au site géothermique de El Tatio. Il se trouve à 94 km de San Pedro. Comme les geysers sont très actifs entre 6h30 et 8h30, il nous faut partir très tôt pour être sur place en temps voulu. Tout le trajet se fait de nuit, et on n’y voit rien en dehors du faisceau des phares. Comme le jour se lève, peu après 6h00, nous arrivons sur le lieu. C’est très impressionnant de voir toutes ces fumées monter dans ce ciel limpide. Il y a une activité mais pas encore très forte. Nous nous promenons en faisant bien attention de ne pas s’aventurer dans des zones dangereuses. Nous sommes environ à 4300 m et il fait froid. Une fois que le soleil se lève, le jeu entre la lumière et la fumée donne un aspect incroyable au tout. Avec la différence de température, la pression croit et l’eau commence à sortir sérieusement, sans jamais toutefois atteindre plus de deux mètres. Nous prenons le déjeuner et notre guide pousse le jeu jusqu’à faire cuire des œufs dans l’eau chaude des geysers. A la coque ou durs ils seront excellents. Vers les 8h00 il n’y a plus que de rares fumées, non que l’activité ait diminué, mais qu’avec la température de l’air plus chaude, il y a moins de vapeur visible. Il reste encore quelques geysers qui crachent de l’eau très chaude et quand on se tient au bord des piscines, on sent le sol vibrer chaque fois qu’il y a une poussée de pression, comme un petit tremblement de terre. Nous pouvons très difficilement passer à côté de la piscine la plus haute du monde, sans se baigner. Elle est alimentée par l’eau chaude des geysers et il fait bon s’y prélasser. Comme on ne voit pour ainsi dire plus rien, il est temps de prendre le chemin du retour et c’est pour nous l’occasion d’apprécier ce paysage fantastique. Nous passons un col à 4380 m avant de traverser un haut plateau. Nous sommes à 8 km de la frontière bolivienne. Je vois d’ailleurs la fumée de la fabrique que j’avais vue en Bolivie, à presque 5000m, lors du tour d’Uyuni. En arrivant au bord du plateau, nous avons une vue magnifique sur le Salar de San Pedro avec les volcans qui l’entourent. En descendant nous faisons encore une escale aux bains de Puritama. C’est un ruisseau avec toute une série de bassins au fond d’une gorge. La température de l’eau est agréable mais cependant moins chaude qu’aux geysers. A 13h30 nous sommes de retour en ville. Comme le temps est au grand beau, je décide de faire le tour à la vallée de la Luna aujourd’hui encore, on ne sait pas ce que demain nous réserve. Le tour commence à 16h30 et se termine après le coucher du soleil à 20h30. Cette vallée a une formation incroyable avec toutes sortes de couleurs et est entourée de la Cordillera de la Sal, une formation montagneuse entièrement de sel sous toutes ses formes. C’est intéressant à visiter, particulièrement une mine de sel où nous récoltons des cristaux de sel transparent comme des cristaux de quartz, mais quand on touche avec la langue on est vraiment convaincu que ce n’est que du sel. Entre autre le Salar de San Pedro contient plus de 50% des réserves mondiales de lithium connues à ce jour. Le coucher du soleil, du haut d’une dune, donne un spectacle lumineux sur la Cordillera des Andes. Cependant je ne trouve pas que c’est si exceptionnel, comme notre guide nous l’a expliqué, c’est très beau cependant. Nous voyons également la fumée du volcan très actif, le Lascar à 5154 m. Nous retournons à San Pedro alors qu’il fait de nouveau nuit. Le village reçoit l’électricité que de 20h00 à 23h00; cela signifie que le soir nous avons toujours une lampe de poche sur nous, car il n’est pas très facile de retrouver son lit dans le noir.

 

Vendredi, 15 novembre 1996
Comme le propriétaire de l’hôtel a mis presque tout le monde à la rue pour pouvoir loger un groupe, et comme je ne souhaite pas partir pour Calama car je me sens bien ici à San Pedro, un petit village tranquille où il fait bon se relaxer, je cherche un nouvel hôtel pour passer la nuit.  Comme j’ai sondé le terrain, je n’ai pas de problème à trouver une place, il me faut même attendre que les gens soient partis avant d’obtenir un lit. Il fait grand beau, pas un nuage pour toute la journée. Journée lessive et comme au Chili les lavanderias sont relativement chères, le travail manuel commence, mais avec cette chaleur ça sèche très vite. J’ai téléphoné à Santiago pour réserver un lit à l’auberge de jeunesse. Pour mardi il y a de la place, pas de problème. J’ai terminé de lire mon livre, le 3e en espagnol “El Hueco“ (le trou) qui traite de l’entrée illégale des Colombiens aux USA. Je vais donc à nouveau pouvoir fréquenter les librairies à la recherche d’œuvres chiliennes, je ferai cela à la Serena, lundi.

 

Samedi, 16 novembre 1996
Il fait grand beau et je n’ai pas besoin de me lever trop vite. Mes deux compagnons de chambre sont partis faire le tour d’El Tatio et se sont levés très vite. Mon bus ne part qu’à 11h00 pour Calama. Mais il est en retard, c’est le même bus et le même chauffeur qu’à l’aller. Comme le trajet descend plus que dans l’autre sens, nous avons un peu moins besoin de temps, mais la différence est petite. A Calama je vais à l’agence Geminis et obtiens, selon les dires de la jeune fille au bureau, la dernière place. Cela  se révélera incorrect car il y aura bien des places de libre. Le bus part à 18h00 et est du type semi-cama, qui est la classe intermédiaire. C’est agréable d’avoir un bus confortable où l’on peut bien dormir, car un voyage de nuit sans pouvoir fermer l’œil hypothèque la prochaine journée. Mais de cette manière je pourrai profiter de ma journée de dimanche, du moins je l’espère. Alors que la nuit se lève nous arrivons au port d’Antofagasta. De là, je dors une grande partie du voyage sans voir la fin de la vidéo qui ne m’intéresse pas vraiment. Avec ce voyage de nuit, je fais un saut de 1100 km vers le sud.

 

Dimanche, 17 novembre 1996
Nous sommes encore sur le plateau du désert quand le jour se lève. Il n’a pas fait trop froid, je n’ai pas eu besoins de mettre mon pull. La route est en réparation, ce qui fait que les détournements se font par des routes non goudronnée et ça secoue fortement. Alors que nous effectuons la descente vers le bord de mer, on nous sert un déjeuner. Toute la région est dans le brouillard, espérons qu’il se lèvera car pour se promener sur la plage, ça sera meilleur. Je voulais faire une étape ici, pour ses plages, mais juste à l’est il y a une vallée où se produit le Pisco et il est possible de visiter une distillerie, ce qui fait que je ne vais pas louper l’occasion de voir ça. Cette étape qui devait être seulement “plage“, sera en fait beaucoup plus attractive que je ne le pensais à première vue. Ce sont des voyageurs à l’hôtel à San Pedro qui m’ont mis la puce à l’oreille en m’indiquant cette autre possibilité. Après m’être installé dans une auberge où l’accueil est plus que sympathique et aimable, je fais un tour rapide en ville avant de descendre sur la plage. Ici il y a un grand changement avec Arica, la plage et l’eau sont propres. La plage fait plus de 6 km. Il fait bon marcher pieds nus sur la plage de sable fin, mais de temps à autre l’eau vient nous mouiller les pieds et aussi les pantalons. Avec le soleil très fort ça séchera très vite. Il fait bon respirer l’air frais du large. Cependant l’eau n’est pas très chaude, env. 18°C et je n’ai pas envie de me baigner, simplement de flâner au bord de l’eau. Le matin, le brouillard recouvrait la région mais au milieu de l’après-midi le soleil brille et il fait vraiment chaud. La Serena est un lieu tranquille qui me plaît bien.

 

Lundi, 18 novembre 1996
Je me lève vite, pour la coutume chilienne, et part prendre le bus pour Vicuña, la ville la plus importante de la vallée d’Elqui. Là, le bus ne va pas plus loin alors que l’affiche de la fenêtre frontale indiquait autre chose, ce qui fait que je change de bus pour continuer dans la vallée jusqu’au village de Pisco Elqui. Ce n’est qu’au retour que je verrai que le chauffeur du premier bus était malhonnête, car il m’a fait payer le trajet complet alors qu’il n’a fait que les 2/3, j’ai l’impression d’être de retour en Bolivie et une chose est sûre, je me suis fait rouler. Carte rouge pour la compagnie de bus Via Alqui. Mais ce petit incident ne trouble pas la beauté du paysage. En effet la vallée est un véritable serpent vert entre les flancs de montagnes arides, voire désertiques. Il est connu que dans la région le soleil brille 300 jours par an et que le ciel est très clair, ce qui fait que les Américains et les Européens y ont installé leurs centres astronomiques. Il fait très chaud et le soleil tape, fort heureusement qu’un vent de la vallée souffle pour diminuer l’effet de chaleur. Dans la vallée, la production principale est le raisin qui sert à fabriquer le pisco, l’alcool national chilien et péruvien. Ça me fait penser que j’en ai toujours deux bouteilles chez moi. Je visite le village pour environ 2h avant de prendre le bus pour retourner à Vicuña. Après une pause à la place centrale, je prends le chemin de la distillerie Capel, la plus importante de la vallée. On peut la visiter et à la fin, il y a une dégustation de Pisco. Du raisin, premièrement il se produit du vin qui vient ensuite distillé pour en faire le pisco, qui lui mûrit entre 4 et 12 mois dans des fûts en bois qui lui donne la couleur légèrement jaune. Suivant le temps de maturation et la qualité du raisin, on obtient un pisco de différentes qualités. Il en existe entre 30° et 50°. Nous dégustons un pisco sour (103) tout prêt, mais il ne me plaît pas et je préfère jusqu’à maintenant celui que j’ai bu au Pérou, il était meilleur. Intéressant cependant de voir la production et la mise en bouteilles. En ce moment l’usine tourne au ralenti car il n’y a pas de raisin avant février. Le vin stocké est utilisé pour assurer la production. Il sort env. 18000 bouteilles par jour. Une fois la visite terminée, je retourne à la Serena où j’achète un billet pour me rendre à Santiago (104) demain matin. Ainsi après deux semaines dans le nord du pays, j’arrive dans la capitale après 5 mois de voyage en Amérique du Sud.

 

Mardi, 19 novembre 1996
Je me lève encore plus tôt qu’hier pour être à 7h00 au terminal, mais le bus arrive avec plus de 30 min de retard. J’ai choisi la compagnie pour son prix, mais surtout pour le terminal à Santiago. Par contre le service n’est pas si super au point de vue rapidité. Il s’arrête très souvent pour laisser monter et descendre des gens, ce qui fait qu’on n’avance pas trop. Par contre, il y a le déjeuner compris et le serveur est très sympa. La végétation change lentement mais sûrement, bien qu’elle reste du type semi-aride avec beaucoup de cactus mélangés avec d’autres buissons presque secs. Dans les vallées où coule une rivière, il y a vraiment de la végétation bien verte. Toute une partie du trajet se fait au bord de la mer où on voit les vagues qui viennent s’échouer sur la côte rocheuse. Après le passage côtier nous retournons vers l’intérieur du pays, où Santiago se trouve au milieu d’une cuvette fertile à 600m d’altitude. Il fait chaud, même très chaud et c’est plus humide que dans le désert, c’est pesant surtout que je ne suis pas habitué et le changement fut très brusque. C’est super, le terminal est seulement à 10 min de marche de l’auberge de jeunesse, qui elle est bien placée, légèrement au sud-ouest du centre, mais très proche. Je vais faire un tour au centre civique où se trouve le palais de la Moneda, la résidence du président de la République, rendu célèbre avec le coup d’état de 1973 où Allende (105) a été tué par les militaires commandés par le trop célèbre Général Pinochet (106). Après deux semaines dans un nord chilien tranquille, c’est un saut dans la civilisation avec mon arrivée à Santiago. Je n’y serai pas assez longtemps pour pouvoir aimer, c’est plutôt un passage obligé et je vais quand même faire l’effort de visiter la cité, plutôt en janvier avant de quitter l’Amérique du Sud pour le Pacifique. Je ne vais que régler les choses administratives et ensuite mettre le cap plus au Sud dans la région des lacs. Tous mes efforts pour entrer en contact avec les gens de Tagler (107), que je connais, sont restés vain. Demain peut-être... ?

 

Mercredi, 20 novembre 1996
Grande journée administrative qui commence par la visite à l’ambassade de Suisse pour chercher mon courrier, et je trouve des lettres et cartes que je n’attendais pas, ce qui me fait un grand plaisir. J’en profite pour feuilleter les journaux du pays, histoire de voir ce qui se passe, mais je n’ai pas assez de temps pour vraiment faire la lecture. Après cela, je fais un saut jusqu’aux bureaux de Navimag pour acheter un passage de Puerto Montt à Puerto Natales en ferry, et j’opte pour une cabine avec 4 lits et une fenêtre. Ce n’est probablement pas le meilleur marché, mais au cas où il ne ferait pas trop beau, il y aura plus d’espace pour se tenir. Je passe à Lan Chile pour voir si mon vol pour le Pacifique est enregistré, tout est OK. Un saut également à l’office du tourisme me confirme que je serai à l’île de Pâques en plein festival, ce qui est bien mais il faut que je réserve un lit, je téléphonerai demain. Une vraie journée administrative et je n’ai pas vu grand chose de Santiago, à l’exception de quelques rues au centre.

 

Jeudi, 21 novembre 1996
Nouvelle journée administrative en vue avec une petite enquête pour trouver le meilleur moyen de me rendre dans le sud. Je visite deux terminaux de bus et la gare, pour finalement considérer l’option train, la plus avantageuse car le train-couchette est confortable et pas trop cher. Ce sera un bon changement dans les moyens de transport au Chili. Sur le coup de 11h00, je me mets en route en marchant le long de l’Av. du Portugal, pour 17 “cuadras“, jusque chez Tagler. Là je retrouve les personnes que je connaissais et j’ai l’occasion de visiter la boîte. Leurs moyens de travail sont modernes et sérieux, ils ne se contentent pas seulement de toucher une commission, mais effectuent un travail conséquent. Après le dîner je retourne en ville, en ayant donné rendez-vous pour le lendemain vers 12h00 pour donner un “cours“ sur les VC999 (108). Je le fais avec plaisir et ce sera une occasion d’utiliser l’espagnol. Je téléphone en Suisse pour apprendre qu’il neige jusqu’en plaine tandis qu’ici on fond au soleil avec bien 35°C. Un autre téléphone et j’ai ma réservation pour mon lit à l’île de Pâques, pour la première semaine de février 1997.

 

Vendredi, 22 novembre 1996
Je cherche, mais en vain, un filtre UV pour mon appareil photo. Carton rouge à Canon pour fabriquer des objectifs avec une dimension si peu courante, et à Reifschneider pour vendre les appareils sans avoir les accessoires usuels. A midi je suis de retour chez Tagler et nous allons manger dans un restaurant, des fruits de mer en entrée et un morceau de bœuf excellent en plat de résistance. Dans l’après-midi se déroule mon premier cours en espagnol, mais j’ai bien besoin de leur aide pour trouver les mots techniques et particuliers à la branche. Je pense que dans l’ensemble je ne m’en suis pas si mal tiré, mais bien sûr je connais la matière et ce n’est qu’un problème de vocabulaire. En cinq mois je n’ai pas trop perdu mes connaissances VC999. Le cours se termine avec une petite partie technique avec les monteurs, où l’on discute de problèmes pratiques qu’ils ont rencontrés et il semble que les réponses ne viennent pas rapides et claires depuis Herisau. Une fois l’après-midi terminé, un technicien me conduit à l’hôtel où je récupère mon sac et m’amène ensuite à la gare. Ma place est réservée dans le premier wagon, ce qui fait qu’il faut que j’arpente tout le quai pour atteindre mon compartiment. C’est un vieux wagon avec un intérieur en bois de qualité. Il a vraiment dû être luxueux voici quelques années. Il est très confortable et on a bien de la place. Les lits sont dans le sens de marche. A 20h00 précise, le convoi se met en marche pour le Sud. Le propriétaire de Tagler voulait absolument m’offrir quelque chose en échange du cours et j’ai accepté sa proposition de passer deux jours à Viña del Mar aux frais de Tagler, lors de mon retour à Santiago à fin janvier. Le voyage se passe bien et le train va régulièrement, même s’il ne va pas très vite. Les lits sont confortables et je dors bien. En quittant Santiago, nous avons bien vu la cordillère enneigée très proche de la ville, mais comme il n’a pas plu depuis longtemps, il commence a y avoir des problèmes d’eau en ville.

 

Samedi, 23 novembre 1996
Lorsque je me lève, une grande surprise m’attend. Le paysage est absolument vert. Je me crois dans certains coins de Suisse ou de Nouvelle Zélande. Peu après 9h00 nous entrons en gare de Temuco, à 640 km au Sud de la capitale. C’est une assez grande ville et le terminal des bus est assez loin. Je n’ai pas trop envie de marcher, si bien que je monte dans un taxi mais seulement après avoir marchandé le prix. J’ai de la chance, il y a un bus qui part dans les cinq minutes pour ma destination du jour à 106 km au sud-est; Púcon. C’est un lieu touristique au bord du lac Villarrica et ce qui m’attire dans ce lieu, c’est le volcan Villarrica dont on peut faire l’ascension. Il est très actif et on peut voir la lave liquide dans le cratère quand on arrive au sommet, ce qui n’est pas toujours le cas, car suivant les conditions, les fumées de soufre empêchent l’accès. Mais on verra demain car bien sûr j’ai décidé d’en faire l’ascension, une si belle montagne et de plus un volcan très actif, je tiens à l’afficher à mon palmarès même s’il n’a que 2800 m. Púcon est un petit lieu touristique au bord d’un lac entouré de montagnes vertes.

 

Dimanche, 24 novembre 1996
Lever relativement rapide car il me faut être à 7h00 à l’agence. Le temps est magnifique et laisse présager une journée somptueuse. On se rencontre très tôt, mais il reste encore beaucoup de parties administratives à régler. Une fois que nous sommes dans le bus, il s’arrête après 50 m pour acheter de la nourriture, alors qu’on aurait eu largement le temps de le faire avant! Finalement sur le coup des 8h15 nous nous dirigeons vers l’entrée du parc national. Ensuite commence l’ascension de 9 km jusqu’à la station de ski. A voir la longueur des télésièges et téléskis, je sens que je me lasserais du lieu après une journée déjà. Ici nous touchons encore les piolets et bonnets. L’ascension commence par une montée d’environ une ½h sous le télésiège. A la station supérieure nous faisons la première pause pour manger un brin. Ici commence la neige, mais comme il n’y a pas de glacier crevassé on n’utilise pas la corde, et avec les conditions de neige nous n’aurons pas besoin des crampons non plus, seul le piolet nous aidera dans les pentes les plus raides. La partie la plus raide ne doit pas excéder les 30-35°. L’ascension se fait en trois parties, la première un peu pentue particulièrement sur la fin, suivie d’une partie relativement plate avant de se redresser plus fortement sur le cône final pour arriver au cratère. Cette forme fait que nous ne voyons pas toute la pente, et le contraste entre les pentes de neige et le fond vert du volcan est super. Nous n’avons pas le groupe le plus rapide, il y a une ou deux personnes qui n’ont vraiment rien à chercher ici. Avec une Suissesse, nous partons en avant et continuons la montée dans la neige pour atteindre la lèvre du cratère. La vue qui s’offre à nous est super sur 360°. Un vrai régal pour les yeux. Nous voyons une série de lacs tout autour du volcan et il y a aussi 3 autres volcans que nous voyons au loin, dont le Lanin qui culmine à 3760 m et qui fait la frontière avec l’Argentine. Le volcan Villarrica lui est à 2840 m. Il faut reconnaître que ce qui nous intéresse le plus, en premier lieu, ce n’est pas le panorama autour du volcan mais plutôt celui de l’intérieur avec le cratère. Il y a de nombreux endroits d’où s’échappe la fumée, un mélange de gaz avec une forte teneur en soufre. Heureusement que le vent souffle un peu et ainsi enlève ces gaz, car sans cela ce serait presque irrespirable. Nous en avons un court exemple lorsque le vent cesse de souffler, tout le monde se met à tousser et les yeux piquent, il devient très difficile de respirer. Au fond du cratère nous voyons deux bassins rouge clair qui nous laissent voir la lave en fusion. C’est vraiment impressionnant car c’est la première fois que je vois ça. Bien des gens enfilent leur masque à gaz pour faire le tour du cratère. Toutes les agences fournissent des masques à gaz, eh oui! Nous attendons notre groupe pour redescendre avec eux, mais pendant ce temps la neige s’est ramollie et il sera très difficile de glisser dans les pentes, car on enfonce trop. Il nous faut 2h pour redescendre jusqu’au bus, qui nous ramène à Púcon à 18h30. Ce fut une longue journée super, et une nouvelle expérience très intéressante que je n’oublierai pas de si vite.

 

Lundi, 25 novembre 1996
Aujourd’hui je ne me lève pas trop vite, pas avant 9h30 car il fait bon faire la grâce matinée. Je n’ai cependant pas l’intention de ne rien faire. J’ai décidé de faire une descente de rivière en rafting sur la rivière Trancura, sur sa partie haute et basse. Ça fait 8 ans que j’en ai fait pour la dernière fois. Le tour débute seulement à 14h00 et je vais m’inscrire en fin de matinée. Nous remontons la vallée sur env. 20 km avant de retrouver les bateaux et nos guides. Ils nous donnent les recommandations d’usage avant que nous nous lancions. La partie supérieure n’a pas beaucoup de rapides, mais plusieurs chutes de hauteurs différentes entre 2 et 8 m. Pour nous, tout se passe bien mais dans un endroit sans difficulté, le bateau heurte une pierre et je me retrouve à l’eau sans m’en rendre compte, une expérience rafraîchissante. Arrive la “chose“ du jour, le passage de la chute de 8 m de haut dont environ 5 m vertical. On s’arrête et on va à pied voir de quoi la chute à l’air. C’est très impressionnant car il y a beaucoup d’eau. Le guide décide que seulement 4 pourront passer, les autres passeront à pied. Le hasard fait bien les choses car nous ne sommes que 4 volontaires qui ont envie de tenter le saut. Le guide nous explique quoi faire et comment ça va se passer, surtout au moment où le bateau va piquer du nez. Nous montons dans le bateau avec un petit pincement à l’estomac, mais enfin ils ne peuvent pas prendre trop de risque avec des touristes sans expérience, ils savent donc ce qu’ils font. Et nous voilà partis. L’approche est étroite et il faut bien manoeuvrer pour se présenter dans une bonne position. Une fois que le bateau pique du nez, on se croche aux cordes et on se fixe le mieux qu’on peut pendant que ça gicle, et ça secoue environ 2 sec. Un cri de victoire salue la fin de la descente, mais il faut vite reprendre place pour manoeuvrer l’embarcation, éviter les rochers et regagner la rive. Il faut dire que c’est plus impressionnant à voir que d’être dans l’action. Nous remontons bien vite pour voir passer le second bateau. Ça donne un peu les frissons, mais tout se passe bien. Peu après nous entrons dans la partie basse où il n’y a plus de chute, mais toute une série de rapides avec de bonnes vagues. Nous avons tous un plaisir fou et notre guide nous donne des ordres pour que nous nous présentions toujours dans les positions les plus périlleuses possibles dans les vagues. C’est super. L’autre bateau a suivi une ligne plus traditionnelle et pour moi un peu trop sérieuse. Sur la fin du parcours nous nous arrêtons pour cueillir des rhubarbes géantes que nous pouvons manger crû. Pas exactement le même goût que celle de chez nous, mais bon quand même. Après plus de 3h sur l’eau, nous arrivons au point de sortie et retournons à Pucon. Deuxième journée de grande activité et deuxième journée en plein soleil. Chanceux jusqu’ici.

 

Mardi, 26 novembre 1996
Dernière journée à Pucon avec une excursion dans un des lieux les plus jolis du coin selon les Chiliens. Je prends un collectivo de la rue principale jusqu’au lac de Caburga. En bordure du lac il y a de belles plages de sable noir et blanc, mais le lieu est un peu trop touristique à mon goût et ressemble trop aux lacs de montagne de chez nous. Je retourne sur la route en direction de Pucon pour env. 5 km avant d’arriver aux Ojos del Caburga et la Laguna Azul. Le ciel couvert jusqu’ici se fait très menaçant et le rideau de pluie se rapproche rapidement. Il pleut déjà à Pucon. Los Ojos est une série de bassins et chutes d’eau au milieu de la forêt très belle. L’eau prend toutes sortes de couleurs en passant du bleu au vert. C’est un très bel endroit. Comme il commence de pleuvoir je suis de retour au bord de la route, et je ne dois pas attendre longtemps avant que passe un collectivo qui me ramène en ville. Toute la fin de l’après-midi est pluvieux ou couvert. C’est un bon moment pour écrire et lire. Ça fait un changement, car je ne me rappelle pas vraiment quand il a plu pour la dernière fois (109) lors de mon voyage.

 

Mercredi, 27 novembre 1996
Le ciel est vraiment couvert mais il ne pleut pas. Cependant un jour de perdu si on reste à Pucon. Ce n’est pas mon cas, j’ai eu de la chance ces jours car j’ai pu faire ce que j’ai voulu. Je me déplace légèrement vers le sud, enfin le sud-ouest pour être plus précis. En nous déplaçant, le temps s’améliore et le soleil revient de même que la chaleur. En 3h de voyage nous arrivons dans la ville de Valdivia qui est construite sur les bords d’une rivière, à quelques kilomètres seulement de l’océan Pacifique. C’est une des villes les plus importantes (110) du Sud du Chili. Les Espagnols en avaient fait une vraie place forte pour la protéger des pirates et des Indiens. Ce fut la dernière place que les Espagnols ont tenu lors de la guerre d’indépendance au siècle passé. La ville a presque été entièrement détruite lors du tremblement de terre de 1960, qui fut celui le plus fort jamais mesuré; 9 sur l’échelle de Richter. C’est une cité agréable avec une belle promenade au bord du fleuve, c’est également une cité universitaire (agronomie et forêt) et il y a une vie active et plus présente que dans les autres villes du pays, à l’exception de Santiago. C’est également de cette ville que c’est fait la colonisation de la région des lacs par les colons Allemands. On voit encore de nombreuses traces, noms de rue, hôtels, etc...La température est agréable surtout grâce à la brise qui souffle continuellement.

 

Jeudi, 28 novembre 1996
Depuis 3½ mois, c’est le premier jour pourri et ça déprime d’autant plus vite qu’ hier il faisait beau. Quand je me lève le ciel est bien couvert et même menaçant par endroits. Après le déjeuner, je pars en direction des jardins botaniques, mais comme j’arrive sur le pont qui enjambe le Rio Valdivia, la pluie commence, si bien que je retourne en ville pour faire du lèche-vitrines. Je trouve ce que je cherche depuis longtemps, un agenda 97 et une petite cuillère; oh! il faut dire que je n’avais pas trop cherché intensément. Le temps passe sans grand changement si bien que je décide d’aller dîner dans un restaurant que j’avais repéré. Pendant le repas le ciel se dégage mais le bateau est parti, si bien qu’il ne me reste que l’alternative de prendre le collectivo pour me rendre à Niebla, à une quinzaine de kilomètres de Valdivia au bord du Pacifique. Ici les nuages sont bas mais il ne pleut pas. Je visite le fort construit par les espagnols au 17e siècle pour protéger l’entrée du port contre les intrus. Le site a été restauré dernièrement et on peut voir toute une série de canons qui protégeaient le passage. Il n’est pas le seul, il y en avait également un à Corral de l’autre côté du passage et encore deux autres placés stratégiquement. Ainsi l’entrée du port de Valdivia devait être une vraie forteresse, presque impossible à passer. Cependant durant la guerre d’indépendance, un seul petit bateau de guerre à réussi à vaincre les Espagnols, alors qu’ils étaient en grande supériorité. Un coup d’audace des Anglais qui ont aidé les Chiliens dans leur lutte. L’horaire des bateaux pour Corral est trop incertain, si bien que je rentre en ville. A mon arrivée, la pluie revient et je rentre à l’hôtel pour me reposer. Tout est gris et il pleut très fort par moment. Demain je vais descendre vers le sud pour arriver à Puerto Montt, le terminal de ma longue descente terrestre du Chili. En effet de ce port, la suite du voyage se fera sur les Eaux du Pacifique.

 

Vendredi, 29 novembre 1996
Aujourd’hui, dernière étape de descente terrestre vers le sud. Hier soir j’ai discuté jusque très tard avec la propriétaire, très tard pour l’Europe, mais une heure normale au Chili (111). Tout est tranquille quand je quitte la maison pour me rendre au terminal des bus. Il y en a plusieurs aux environs de 10h et je prends le premier venu. Le temps est de nouveau au beau après la journée maussade d’hier. Il nous faut 3h d’un voyage au milieu d’une verdure généreuse, qui ressemble au plateau Suisse avec de nombreuses vaches. De nombreux produits laitiers chiliens viennent de cette région. C’est très beau d’arriver ici à Puerto Montt au bord de la mer, mais protégé de l’océan par de nombreuses îles. Mes investigations, pour trouver une agence qui offre un tour avec l’ascension du Volcan Osorno (112) à un prix raisonnable, restent infructueuses, un objectif que je ne ferai pas. Ce que je vais faire, c’est un tour au pied du volcan et une excursion au lac de Todos los Santos qui semble être, d’après mon guide, le plus beau des lacs au sud du Chili. J’ai également cherché des informations sur l’île de Chiloe, qui sera le point fort de mon séjour dans la région. J’ai rencontré par hasard l’Allemand que j’avais vu à Arica, mais pas grand chose lui a plu de son voyage au sud du Chili. Il est tellement négatif et n’arrive pas à s’adapter à la vie sud-américaine, que je ne vais pas tenir compte de son avis. Au terminal des bus, j’ai reçu une offre d’hébergement qui justement était recommandé par le guide, ce qui fait que j’accepte et profite ainsi du transport jusqu’au centre ville. Une nouvelle étape de mon voyage chilien est ainsi atteinte. Il me reste encore 10 jours avant de prendre le ferry.

 

Samedi, 30 novembre 1996
Comme je n’aurai probablement pas la possibilité de gravir le volcan Osorno, mais je compte bien m’en approcher, c’est la raison pour laquelle j’ai pris un tour proposé par l’hôtel au lac de Todos los Santos. Le tour part à 10h30 et nous prenons la route du nord jusqu’à Puerto Varas, un village très touristique au bord du lac Llanquihue. De là, nous avons une vue superbe sur les volcans Osorno et Calbuco. Nous continuons cette fois en direction de l’est jusqu’à La Poza, où on a la possibilité de faire un tour en barque sur un lac, mais je ne pense pas que ça en vaut le prix si bien que je renonce à faire ce tour. Nous nous arrêtons encore à deux endroits pour voir un condor et un puma, pour terminer dans un restaurant de luxe afin d’y manger. Encore une fois je préfère pique-niquer plutôt que de jeter l’argent par les fenêtres. Nous sommes maintenant à Ensenada au pied du volcan. Nous y visitons la laguna Verde au milieu d’une forêt, c’est bien, mais rien de plus. Je ne suis pas encore enchanté du tour, rien d’extraordinaire jusque là. Ensuite nous remontons la vallée en direction du lac et en route nous nous arrêtons aux chutes de Petrohue. Ce lieu est super. La rivière passe entre les rochers de lave polis par le frottement. L’eau est claire comme au val Verzasca (113). Les remous blancs de l’eau donnent avec le vert du bassin qui suit, une incroyable peinture naturelle avec toutes sortes de vert. Les rayons du soleil ajoutent leur grain de sel au tableau. Cela nous permet de bien voir les courants et leurs forces. Il ne doit pas faire bon s’y trouver car il n’y a aucune chance de survie. Dans ce lieu je prends un grand plaisir à admirer la beauté des couleurs. La végétation qui borde le cours d’eau n’est pas en reste. En route pour la dernière étape de la journée, en fait le terminal de la route. Pour continuer il faut monter à bord d’un bateau pour traverser le lac Todos los Santos. En passant par eaux et terre on parvient à Bariloche (114) en Argentine. C’est à coup sûr, le plus beau passage entre le Chili et l’Argentine. C’est un très beau lac de montagne avec en arrière fond la cordillère des Andes et en particulier un sommet à la forme très spéciale, Le Cerro Punteagudo. J’ai l’impression d’être dans une vallée perdue des Alpes Suisses. Une couche de nuages élevés recouvre le ciel, mais pas de signe de pluie. Nous retournons par le chemin le plus court à Puerto Montt. Ce fut finalement une très belle journée, bien qu’elle ait commencé de manière timide à mon avis. Il faut dire que les autres passagers voyageaient à un niveau différent et à la manière des Japonais, être sur toutes les photos. J’ai dû poser au moins une dizaine de fois, mais enfin si ça leur fait plaisir. Demain je vais descendre sur l’île de Chiloe dont la vie est un peu en retrait de celle du Chili, mais qui tient compte d’ une amabilité encore plus grande que sur le continent et leur style de vie est assez bien préservé.

 

Dimanche, 1er décembre 1996
Il a plu durant la nuit, mais ce matin le soleil passe au travers des nuages. Nous aurons une journée avec des averses, un “temps d’avril“, il est vrai que nous sommes au printemps et ce type de temps est courant sur l’île. Il pleut env. 2200 mm par an, ce qui est beaucoup. De Puerto Montt nous passons par l’intérieur des terres pour gagner Pargua au bord du détroit de Chacao. La région n’est pas très peuplée et je trouve le paysage super. Le passage en ferry pour l’île de Chiloe se fait sans attendre; il y a de nombreux bateaux qui font la navette. Nous ne pouvons pas rester sur le pont jusqu’au bout car une averse nous y rejoint. De Chacao nous arrivons en 30 km à Ancud, la principale ville de l’île. J’ai la mauvaise surprise de trouver un nouveau terminal qui est situé très loin du centre-ville et il me faut faire presque ½h de marche avant d’y arriver. Ancud est un village de pêche et j’aime beaucoup me promener dans le port et voir les bateaux à l’ancre. Il y en a beaucoup, de toutes les formes, petits et grands mais chose étrange, presque tous sont de la même couleur! Comme le musée régional est ouvert, j’en profite pour le visiter mais je ne trouve pas grand chose sur la vie des anciens indigènes. Je pense qu’il ne reste pas beaucoup de traces. J’ai la forte impression que cette île va me plaire, c’est surtout très différent de ce que j’ai pu voir jusqu’ici. Il y a également un fort qui protégeait la région, comme à Valdivia, mais ça a été transformé en parc et c’est beaucoup moins authentique qu’à Niebla. Les maisons sont normalement en bois et les anciennes ont un toit et les murs recouverts d’une sorte de bardeau un peu plus grand que chez nous. Généralement c’est la tôle ondulée qui a remplacé le bois pour les toits, alors que les murs restent en bois mais du style de ce qu’on peut voir au Canada ou en Nouvelle-Zélande.

 

Lundi, 2 décembre 1996
C’est une nouvelle journée d’averses, cependant, après un bon déjeuner, j’arrive à atteindre le terminal sans me faire mouiller. La route No 5 qui part d’Arica et se termine à Quellón nous conduit à Castro au centre de l’île. C’est la capitale de Chiloé et elle a une activité plus grande qu’Ancud. C’est ici que l’on peut voir une des particularités de l’île. Il s’agit de maisons sur pilotis appelées Palafito. La structure de bois n’est visible que de la mer et les pêcheurs peuvent ranger leur bateau sous la maison à marée haute; côté rue on ne voit absolument aucune différence avec les autres maisons. C’est très intéressant à voir; j’avais vu un reportage à la TV en Equateur sur des maisons et la vie à Chiloe. C’est justement ce qui fait le charme de Chiloe et j’espère que les habitants sauront le conserver. Le Chilien moyen, spécialement de Santiago, est uniquement à la recherche de la modernité, de la technologie et non du charme et des particularités du pays. Très souvent jusqu’à maintenant, ce qui plaît aux Chiliens ne plaît pas aux touristes et réciproquement. Ils ont encore un long chemin à faire. C’est la même chose pour l’infrastructure, en visitant les chutes l’autre jour, moi je la trouvais horrible et pesante, déformant le paysage alors que le couple chilien trouvait ça bien. Ainsi mon sentiment se confirme et j’aime Chiloe. Castro est un peu protégé du mauvais temps du Pacifique par les montagnes côtières. Si l’extérieur de son église n’est pas particulièrement attirant, l’intérieur par contre est super, entièrement en bois avec de fines lamelles, une architecture assez incroyable mais il faut dire qu’elle date seulement du début du siècle. Cependant, quand je dis que c’est beau, il faut toujours oublier tout le kitsch qui orne les murs des églises en Amérique du Sud. Tout le paysage est vallonné, recouvert de forêts avec quelques pâturages en bordure de route. Demain je vais aller au Parc National de Chiloe, mais comme l’horaire des bus n’est vraiment pas pratique, je vais y rester 3-4 jours au lieu de 2 comme je le prévoyais au départ. Ce n’est pas grave car il n’y a pas grand chose à faire à Puerto Montt, et il vaut mieux passer son temps sur l’île où la vie est un peu moins chère.

 

Mardi, 3 décembre 1996
Nous n’avons pas besoin de nous lever tôt car notre bus ne part qu’à 15h00. Au déjeuner je prends mon temps et converse avec les autres touristes. Vers midi nous sortons de la ville de Castro et prenons un peu de hauteur. Nous allons visiter le musée d’art moderne. Nous avons de la chance de trouver le conservateur sur les lieux car le musée est fermé, la prochaine exposition ne débute qu’en janvier. Certes, il y a bien des oeuvres dont je ne comprends pas le sens, mais il y en a d’autres que je trouve intéressantes, voire amusantes. Ce qui me plaît le plus, c’est le bâtiment lui-même qui, faute de budget pour l’éclairage électrique, a dû utiliser des moyens techniques simples et efficaces pour créer un éclairage naturel. Je dois dire que cela est réussi et donne un volume particulier à l’ensemble. En plus la vue est simplement superbe sur la baie de Castro, les montagnes et volcans du continent. Avec un léger retard notre bus part pour le sud jusqu’à Chonchi où l’église ne m’impressionne pas trop, je ne sais pas comment c’est à l’intérieur. Ensuite, objectif ouest pour premièrement Huillinco et finalement Cucao au bord du Pacifique. Avant la construction de la route, le village était uniquement atteignable par bateau en traversant le lac Huillinco ou par la mer, mais cette voie dépendait des conditions de la mer. Cucao est un tout petit village de l’île de Chiloe, qui vit sur lui-même, car il a été longtemps coupé ou presque du reste de l’île. Je plante ma tente pour la deuxième fois sur le sol sud-américain et j’utilise toute ma batterie de cuisine. Je vais me promener jusqu’au bord de l’océan; il faut dire que c’est un endroit avec l’océan ouvert car il n’y a rien entre ici et la Nouvelle Zélande à plus de 12’000 km. Demain je vais commencer un trekking dans le parc national de Chiloe. Ça sera une bonne répétition générale avant Torres del Paine, le parc national au sud du Chili, célèbre pour ses possibilités de trekking.

 

Mercredi, 4 décembre 1996
Je prends un plaisir tout particulier à écrire mon journal de bord aujourd’hui. Je suis assis sur un arbre mort échoué sur la plage, c’est une plage naturelle sans aucune intervention humaine. Je regarde les grosses vagues qui viennent s’échouer sur la pente de sable fin. Le bruit des vagues accompagne mon écriture. Dès qu’on quitte la plage c’est la forêt presque impénétrable. En bordure de cette forêt dans une des petites places aménagées, j’ai installé ma tente. C’est vraiment super d’être ainsi au bord de l’Océan Pacifique, même si l’eau est trop froide pour s’y baigner. Mais pour arriver dans cet endroit idyllique, ce ne fut pas si facile. De Cucao, on remonte vers le nord par un chemin large rempli de sable mou, ce qui fait que la marche n’est pas facile, surtout avec un sac à dos assez lourd. Cela change avec l’arrivée sur la plage où je peux marcher au bord des vagues, là, le sable mouillé est plus dur et on n’enfonce pas. L’allure est ainsi plus rapide et l’effort moins fatiguant. Mais cette plage est longue et interminable. J’y passe presque deux heures avant d’en arriver au bout, mais surprise désagréable, un bras de mer revient en arrière au bord de la forêt. Il y a bien un pont mais il est 500 m en arrière. Il n’était pas visible du bord de l’eau! De là nous quittons la mer pour monter sur une série de collines pour passer le cap Cole Cole. Le sol est marneux et on enfonce facilement. Dans la montée, le chemin est un vrai couloir, une tranchée. Les rangers ont creusé à plus d’un mètre de profondeur jusqu’à ce qu’ils rencontrent un sol pierreux. Ainsi avec les nombreux touristes qui fréquentent ce lieu chaque année, le sentier ne se détériore pas trop vite. La montée est raide et j’ai de la peine, je sens le poids du sac. Ça fait bien longtemps que je n’ai pas porté une charge aussi lourde des heures durant, l’habitude me manque. Mais heureusement les points de vue magnifiques me font oublier un peu ma peine. Après un arrêt au sommet, je descends rapidement pour arriver sur la plage de rêve que je décrivais au début. Il m’a fallu 5½h pour couvrir les 20 km qui séparent le Rio Cole Cole de Cucao. Enfin, pour la distance, les indications varient, cela pourrait être moins, env. 15 km. Cette plage est un lieu de retour car d’ici je vais retourner à Puerto Montt, pour y passer le week-end dans l’attente de mon ferry, lundi prochain. Bien qu’il ne soit pas encore tout à fait terminé, mon séjour sur l’île de Chiloé restera un point fort de mon voyage, car j’ai beaucoup aimé ce lieu. Avant de partir d’Europe, je ne pensais même pas y aller ...!

 

Jeudi, 5 décembre 1996
“Singing in the rain“... ce pourrait être le thème de ce début de matinée. Il a plu assez fort durant presque toute la nuit, avec de courtes pauses, mais il ne faisait pas froid. Les nuages sont bas ce matin et ne laissent rien présager de bon pour aujourd’hui. Il y a une accalmie, ce qui me permet de faire cuire de l’eau et plier la tente sans pluie, elle est assez mouillée comme ça. A peine avons nous attaqué la montée que la pluie revient relativement fort. Ça n’arrange rien, car le chemin boueux hier est devenu plus glissant, et j’utilise enfin le bâton de ski que je transporte depuis le début. Comme nous arrivons sur la plage après 1h30 de marche, le beau temps revient et de manière plus sérieuse cette fois-ci. Avec le vent du large, les habits mouillés sèchent très vite et la marche devient presque agréable. Malgré le mauvais temps du début, le rythme est plus rapide et je suis de retour à Cucao en 5h. Comme il fait toujours beau et qu’il n’y a pas de signe de pluie à l’horizon, je plante à nouveau ma tente au camping. Comme il n’y a qu’un bus par jour et qu’il part le matin, je suis forcé de passer la nuit ici. Le parc national est beau, mais je trouve qu’il y a trop d’activité humaine, de maisons, et cela nuit à l’aspect vierge du lieu. Pour moi, il manque l’éloignement de la civilisation pour vraiment apprécier la nature sauvage et intacte. Les feuilles informatives ne disent pas toute la vérité sur le parc. Il semblerait que le gouvernement veuille construire un pont en béton à la place du pont suspendu actuel, ce qui marquerait à coup sûr la mort de l’intérêt pour le parc, de la part des étrangers. Dans la soirée la pluie est de retour, but just singing in the rain ...

 

Vendredi, 6 décembre 1996
Il a fait plus frais cette nuit. Le vent a soufflé toute la nuit, mais la pluie a cessé. Il faut me lever vite car le bus part à 7h30 et je dois faire mon sac et plier la tente. Il y a une concurrence à mort entre les deux compagnies de bus, ce qui fait que les bus partent avec ¼h de différence. Une vraie connerie car je suis presque sûr qu’un est plein et l’autre vide, c’est en tout cas ce qui se produit ce matin. Sur les rives du lac, nous voyons les fermes à saumons en pleine activité. Par un système de tuyau-aspirateur, les poissons sont transvasés dans des camions (115) et ensuite transportés ainsi à Puerto Montt. Le voyage jusqu’à Castro se passe sans problème et je me retrouve, avant 10h00, à mon hôtel. J’en profite pour faire sécher ma tente et faire la lessive, en prévision de mon voyage en bateau de la semaine prochaine. Je visite le musée municipal, il est bien mais je ne trouve que très peu d’information sur la population ancienne de l’île, car elle a été peuplée depuis env. 10’000 ans. Il y a tout un reportage photo sur le tremblement de terre de 1960 et ses conséquences, mais aussi du grand incendie de 1936 qui a détruit un grande partie du centre-ville. Il est évident qu’avec les maisons en bois construites très près les unes des autres, s’il y a le feu, il se propage très vite et à l’époque ils n’avaient pas les moyens techniques d’aujourd’hui. Le reste de cette journée est consacré au repos et à la préparation de mon séjour en Terre de Feu, encore quelques jours et ça sera la réalité.

 

Samedi, 7 décembre 1996
Journée de voyage pour retourner à Puerto Montt. Il fait relativement beau mais les nuages présents sont bien bas. Il nous faut 4h pour revenir dans le port au sud du pays. Le voyage est sans problème, bien que le bus ne va pas trop vite, car il fait de nombreux arrêts pour laisser monter et descendre des gens. Nous sommes sur un trajet rural et il est normal qu’il charge les gens où il n’y a pas beaucoup de transports privés. Je quitte cette île de Chiloé qui m’a beaucoup plu, mais il faudrait bien 1 à 2 semaines de plus pour en faire le tour. A Puerto Montt, je prépare mon voyage en achetant de la nourriture pour le transport en bateau car les boissons sont très chères à bord et il est préférable de prendre ses précautions. A l’office Navimag, on m’indique que le bateau partira probablement lundi soir seulement, mais nous en aurons la confirmation demain dans l’après-midi. Il semble avoir du retard mais on verra bien. Sinon, une nouvelle journée de repos, car il n’y a pas grand chose à faire et j’irai probablement marcher au bord de l’eau si le temps le permet.

 

Dimanche, 8 décembre 1996
Journée sans faire grand chose, et comme il fait beau, je vais marcher au bord de la mer pour une grande partie de la baie de Puerto Montt. Le village de pêche à l’ouest de Pto Montt, Angelmo, est très intéressant avec son marché de poissons. Nous savons l’heure du check-in, lundi à 18h00, donc l’information d’hier se confirme. Pour finir je ne fais pas grand chose à part me reposer, soit dans les parcs, soit dans ma chambre où le living de l’hôtel.

 

Lundi, 9 décembre 1996
Une, deux, trois, quatre, cinq minutes ... une, deux, trois, quatre, cinq ... neuf heures d’attente avant de se rendre à la salle d’embarquement de Navimag. Une grande journée d’attente. Il fait grand beau et chaud à Puerto Montt aujourd’hui. Ce matin vers les 10h00, le bateau “Puerto Eden“ est entré au port et le pronostique du départ est entre 22h00 et 24h00 ce soir. Nous avons fait les derniers achats avant de faire notre check-in. Le port est relativement éloigné du centre-ville et faire le chemin à pied avec tous nos bagages, nous fait transpirer fortement surtout avec la chaleur d’aujourd’hui ce qui n’est pas très habituel pour la région. A 19h15 nous embarquons et nous nous installons dans les cabines et dortoirs. Les cabines sont en hauteur en dessus du pont, alors que les dortoirs sont en fond de cale. La compagnie a installé une vraie ségrégation entre les deux classes et les restaurants sont bien séparés. La classe cabine à également une salle de séjour, ce qui n’est pas le cas de la classe économique et c’est dommage d’en arriver là au point de séparer les gens mais on est en Amérique du Sud où la différence des classes est encore très bien marquée. Nous prenons notre souper avant de lever l’ancre. Il aurait été super de sortir du port au soleil couchant, mais la sortie de nuit n’est pas mal non plus avec toutes les lumières de Puerto Montt. A 23h15, le bateau fait mouvement et met le cap plein sud. En soirée nous avons une information sur la sécurité et le comportement à bord. Il est tard ou plutôt très tôt quand je vais me coucher. Le voyage devrait être tranquille car nous naviguons entre canaux et passages étroits, à l’exception d’environ 10h de navigation dans le Golf de Penas, où suivant les conditions, ça secoue et ça bouge beaucoup. Souvent les passagers ont le mal de mer, mais espérons que le temps sera au beau et la mer assez clame pour ne pas trop nous affecter. On devrait passer par là, la nuit prochaine.

 

Mardi, 10 décembre 1996
A 8h30 quand je me lève, nous sommes légèrement au sud de l’île de Chiloé. Depuis Puerto Montt nous avons mis le cap au sud et le poursuivons pour toute la journée. Ce qu’il y a de très intéressant dans cette croisière, c’est que nous sommes toujours en vue des côtes et le paysage est absolument fantastique. Cette région n’est presque pas habitée, ce qui fait que la nature est restée dans un état intact. Nous rencontrons quelques barques de pêcheurs en fin de parcours “direction sud“, mais ils étaient trop loin du port de Pto Aisen pour y retourner et nous n’avons pas été à même de découvrir leur village. Nous n’avons croisé qu’un seul bateau, ce qui veut dire que cette route n’est pas trop fréquentée. C’est ma première croisière et avec ce jour au ciel d’azur, avec en fond la cordillère des Andes et quelques sommets enneigés, on ne peut qu’être enchanté. C’est une journée absolument indescriptible, simplement super. Les yeux enregistrent des centaines de paysages et impressions, et il est absolument impossible de les rendre sur la pellicule. Après le souper, nous changeons de cap et partons en direction de l’Ouest par un passage peu large, le canal de Chacabuco. Il fait de nombreuses courbes, ce qui oblige le bateau à réduire sa vitesse pour manœuvrer. Le vent a soufflé très fort en fin d’après-midi, plus de 37 nœuds (60 km/h), mais sans être froid. Dans la soirée il est tombé et comme le coup d’œil est imprenable, tout le monde est sur le pont plein d’admiration. Quel changement, à 22h00 il fait encore très jour alors qu’à mon arrivée à Quito, il faisait nuit à 18h00. Je reste sur le pont jusqu’à minuit avec deux Français, simplement en regardant notre bateau entrer dans le Pacifique. Le voyage, d’un calme absolu jusqu’ici change et le bateau se met à bouger. Ce sont les vagues de l’océan qui viennent mourir dans la baie. La nuit risque d’être agitée car nous n’aurons plus la protection des îles. Durant la journée nous avons visité la cabine de pilotage et nous avons fait la connaissance avec toute une série d’instruments. Il y a 4 radars et un sonar, 3 indicateurs de vent, force et direction, boussole, gyroscope qui indique le nord effectif. Ce qui est super, c’est qu’on peut visiter le poste de pilotage durant la journée, il ne faut que demander la permission et on peut rester même pendant certaines manœuvres. La nuit par contre, quand la navigation aux instruments devient vitale, on n’a pas le droit d’entrer ce qui est compréhensible. Jusqu’à maintenant, je suis enchanté par ce voyage, mais il faut dire que les conditions météo sont avec nous, “touchons du bois“. Il est très facile de s’imaginer ce que serait le voyage, s’il faisait mauvais temps et que la visibilité serait nulle.

 

Mercredi, 11 décembre 1996
Notre bateau, propulsé par le ronronnement régulier du moteur, se faufile sur le tapis argenté de l’eau au fond d’une gorge étroite, où des cascades d’eau claire jaillissent dans les pentes abruptes qui bordent le canal, c’est l’image que je garderai de ce jour en fin de soirée. Le bateau a balancé dans le golf de Penas mais pas trop, cependant suffisamment pour m’empêcher de prendre mon déjeuner, ah! mal de mer quand tu me tiens! Mais autrement, couché où à l’air frais, pas de problème. Quand nous nous levons, nous sommes dans le brouillard et le taux d’humidité est de 100%, je pense tout d’abord que nous allons payer le temps magnifique d’hier par un jour à ne pas mettre le nez dehors. Erreur. Comme nous entrons à nouveau dans les canaux, nous sortons de la brume et chose étrange, celle-ci s’arrête comme un mur. La navigation tranquille reprend son cours. Le paysage reste similaire à hier, mais les montagnes du bord de l’eau sont différentes. Les rives sont rocheuses et recouvertes d’arbres, mais le sommet des montagnes est pelé, sans végétation, recouvert seulement de rochers. Le niveau de la neige a baissé également, on a presque l’impression qu’il suffit de tendre la bras pour la toucher. Le soleil nous accompagne durant toute la journée et comme le vent est faible, nous passons beaucoup de temps sur le pont. Les couleurs à l’intérieur des canaux sont simplement super. Le contraste est fantastique dans l’Etroiture Anglaise (116) où le bateau doit se faufiler entre des îles au milieu d’un passage étroit, et cela juste avant l’arrivée à l’unique escale du voyage à Puerto Eden (117), un petit village de 150 habitants. Nous jetons l’ancre dans la baie car le bateau est trop grand pour accoster à la petite jetée. C’est avec de petits bateaux que le chargement et déchargement des bagages et des personnes a lieu. Ici, 4 passagers descendent pour continuer le voyage en kayak jusqu’à Puerto Natales. Il faut être mordu car il y a de longues parties droites où l’on n’a pas l’impression d’avancer. Une deuxième journée de navigation super. En soirée, nous faisons une partie de Bingo et s’en suit une grande fête avec danses pour marquer la dernière soirée à bord. Dans l’après-midi, nous avons pu visiter la salle des machines où j’ai eu l’occasion de voir les conditions de travail, car toute cette partie est très bruyante et les personnes travaillent avec des casques de protection sonore. Il y a deux moteurs de 3000 CV chacun et une hélice à pas orientable de 4m de diamètre. Ils fonctionnent au diesel lourd, mais aussi au diesel normal en arrivant dans les ports. Il y a également 3 générateurs pour fournir l’électricité au bateau et même l’eau chaude pour les douches. Le bateau a été construit en Finlande en 1971 et est équipé de deux moteurs diesel allemands. Le bateau a 113 m de long, 19 m de large et une capacité de 167 passagers dans 1 suite, 14 cabines à 4 avec WC, 8 avec WC extérieur de même que 2 dortoirs à 24 places. Ils peuvent charger 50 voitures moyennes et 1000 m de charge pour les camions; la vitesse est de 15 nœuds (24 km/h) mais nous avançons généralement à 13 nœuds (21 km/h). Je pense que l’équipage se compose de 20 à 30 personnes.

 

Jeudi, 12 décembre 1996
Dernière journée de navigation. Quand nous nous levons, le ciel est nuageux mais il ne semble pas que cela va se détériorer. Notre bateau continue inlassablement sa route vers le sud. Nous sommes déjà à la hauteur de Puerto Natales, mais il nous faut encore continuer à descendre pour prendre la canal qui conduit au port. Le paysage a bien changé et de manière définitive, toutes les montagnes sont pelées. J’ai vraiment l’impression d’être en Norvège, dans le nord. En début d’après-midi vers 14h00, nous atteignons le passage le plus critique du voyage, la passe de Kirke (118), une étroiture de 50 m de large et le bateau lui en a 20, ce qui ne laisse pas beaucoup de marge pour manœuvrer d’autant plus qu’il ne passe pas au milieu. Sur le côté gauche, il n’y a pas plus de 5 m jusqu’au rocher. Tout le monde est sur le pont pour voir et enregistrer cet instant. L’équipage jusqu’ici très généreux, on peut pour ainsi dire aller tout partout, a fermé les accès au poste de pilotage pour pouvoir travailler en paix, ils leur faut une tranquillité absolue pour se concentrer sur le travail. Même si on l’a déjà passé plusieurs fois, je pense que ça reste toujours un événement, même pour le capitaine. Les pilotes doivent passer plus de 10 fois, sous la surveillance du capitaine, avant de pouvoir passer seul. Peu avant, nous avons pu voir les glaciers bleus descendant presque jusqu’à la mer. Après la passe, nous mettons le cap sur le nord pour rejoindre notre destination: Puerto Natales. Mais une dernière fois avant d’arriver, le paysage change radicalement avec des montagnes impressionnantes du côté du parc national Torres del Paine, et les étendues plates en direction de Punta Arenas. Ainsi nous sommes arrivées au terme de notre croisière et un grand saut, presque le dernier, en direction du sud. Puerto Natales est une jolie petite ville avec les maisons peintes de toutes les couleurs, mais le bleu clair domine pour les toits. Il y a 16’000 habitants dans cette partie reculée du Chili et sa fondation date de ce siècle. Avant de pouvoir débarquer, il faut que l’équipage sorte toute une série de camions et remorques pour libérer le passage. Nous sortons par vagues puisque nous devons utiliser l’ascenseur. De nombreuses personnes nous attendent pour nous proposer un logement. Il n’y aura donc pas besoin de trop chercher et dans une certaine mesure on peut choisir. Nous tombons dans un hôtel bon marché et très bien. Tous les hôtels sont pleins surtout après l’arrivée du bateau.

 

Vendredi, 13 décembre 1996
6 mois de voyage déjà, je ne vois vraiment pas le temps passer... Journée très active mais sans tourisme, c’est une de ces journées administratives comme je les nomme. Toute la journée est consacrée à la préparation de mon trekking. Premièrement, recueil de renseignements sur le parc national Torres del Paine, et une fois que je sais ce que j’ai envie de faire, il faut planifier les repas et acheter la nourriture en conséquence. Il y a deux critères qu’il faut absolument respecter; poids et volume minimum. Une chose est certaine, ça ne sera pas une semaine gastronomique. Pour un peu visiter ce parc il faut compter une bonne semaine, ce qui fait un bon volume de nourriture à prendre avec. A ma grande surprise, ça donne moins de volume que je le pensais et avec le poids ça va encore.

 

Samedi, 14 décembre 1996
C’est parti pour ce deuxième trekking en Amérique du Sud. Le bus passe nous prendre à 7h00 à l’hôtel et la propriétaire s’est levée pour nous faire le déjeuner. Nous remontons vers le nord et passons à 7 km de la frontière avec l’Argentine à Cerro Castillo. Là, nous faisons une pause et nous avons un échantillon de ce que peut être un vent fort (119) ici en Patagonie. Nous continuons encore un peu vers le nord et ensuite obliquons vers l’ouest, pour gagner l’entrée principale du parc national à la Laguna Amarga. Après avoir payé l’entrée, nous recevons une courte information sur la situation dans le parc et après s’être enregistré, nous pouvons y aller. Nous marchons pendant 7 km sur une route très sableuse et le vent fort soulève des tourbillons de poussière qui se font un malin plaisir à venir droit sur nous. Nous arrivons à l’Hosteria Las Torres avec hôtel de luxe, refuge et camping, mais nous continuons et entrons dans la vallée Ascencio où il y a trois autres emplacements de camp. Je m’arrête au premier, un endroit sympa au bord de la rivière. Le temps semble au beau et j’espère vraiment pouvoir admirer ces tours absolument fantastiques de granite et sédiments. D’après les gens de la région, le temps semble se stabiliser, ce qui n’était pas encore le cas il y a 3 semaines de ça. Durant la montée, j’ai l’impression de me retrouver sur un chemin de cabane dans les Alpes, l’unique différence c’est que je suis à moins de 500m d’altitude. Il y a également une faune et une flore très abondantes. Ce matin, par la fenêtre du bus, j’ai vu un guanaco. C’est un mammifère de la famille du lama qui vit dans ces régions peu accueillantes et rudes. Officiellement, il n’est pas possible d’être seul pour faire “El Circuito“, le tour du massif de montagnes, pour des raisons de sécurité, si bien que je me suis associé plus ou moins avec un Kiwi (120), mais chacun à son programme sur le même itinéraire.

 

Dimanche, 15 décembre 1996
Un court rayon de soleil illumine ma tente ce matin, mais c’est bien trompeur car toutes les montagnes sont dans les nuages. Rien de bon en perspective, mais on ne sait jamais, le temps change si rapidement ici. Je me mets en route dans la magnifique forêt qui nous sépare du Campamento Torres et la traverse en 1h environ, avant de tourner sur la gauche et attaquer la moraine qui donne accès à un point de vue imprenable sur les tours. Le chemin n’est plus bien marqué, mais on trouve son passage au milieu des blocs. Par moment, le temps semble se lever et le soleil n’est pas loin, mais ce n’est qu’une fausse alerte et les tours ne se dégagent pas, il commence même à neiger et il fait froid. Nous apercevons une tour ou l’autre par moment, en transparence dans les nuages, mais elles ne se dégagent pas. Par contre le pied est bien visible et nous donne un échantillon de ce que les parois verticales doivent être. Après 1h d’attente nous sommes gelés et comme la météo ne laisse pas beaucoup d’espoir, je reprends le chemin du retour tout en me faisant des reproches, j’aurais dû monter hier car il y avait du vent et la vue était excellente. La seconde fois que je me fais avoir après Machu Picchu. Je n’ai pas assez de temps à disposition pour attendre encore une journée, cependant avant de redescendre en plaine, j’attends très longuement mais peine perdue, ça ne s’ouvre vraiment pas. Je prends donc la décision de redescendre jusqu’à l’hosteria Las Torres et d’y planter ma tente. C’est un camping avec douche et eau chaude, pardon du peu, mais ça sera la dernière pour le reste de la semaine. Demain je vais débuter “el Circuito grande“ un trekking qui fait tout le tour du massif de montagnes.

 

Lundi, 16 décembre 1996
Du pâturage de sous Graitery à ceux des Franches-Montagnes, limite des forêts en Engadine, le tout avec une rivière et des montagnes comme les Rocheuses canadiennes, voilà le paysage que j’ai traversé en ce premier jour du “circuito“. C’est incroyable à quelle vitesse la végétation a changé durant les 6h30 de marche. Ce n’était pas un paysage après l’autre, mais bien mélangé, passant par toutes les possibilités en l’espace d’un kilomètre. La seule chose qui restait constante, était l’arrière plan. Cependant un élément s’est ajouté à cela, le vent. C’est l’ennemi No.1 de la région, il souffle très fort avec des rafales très très violentes qui nous déséquilibrent facilement. Par moment il fallait même se battre pour descendre, c’est un comble, par contre on pouvait s’appuyer sur le vent ce qui économisait les genoux, mais alors gare lorsque le vent cessait. Les temps indiqués sur la carte sont bien juste des fois, cela dépend des trajets, mais lorsque l’on est chargé, il ne faut pas traîner pour tenir l’horaire. Ce fut une longue journée avec 6h30 de marche pure. J’avais vu venir le coup et j’étais parti vers les 9h00, car je n’aime pas arriver trop tard et il faut encore cuisiner. Il faut bien 2h pour cela si on compte la vaisselle. Bien des gens ont dû s’arrêter au premier camp, car nous ne sommes que 4 à être parvenus à ce que beaucoup avait comme but. C’est assez fatigué que j’ai atteint le Campamento Coiron, pas très loin des rives du Lago Paine. Nous sommes un peu plus haut au bord d’un ruisseau. Il faut dire que le chemin avait le chic pour nous démoraliser, car dans sa partie finale, il jouait aux montagnes russes en montant et descendant de nombreuses fois. Cependant j’ai bien pu récupérer, car demain, si le temps le permet, j’aurai une journée tout aussi pénible avec 4h de montée pour s’approcher du fameux col.

 

Mardi, 17 décembre 1996
Journée différente aujourd’hui, moins pénible à mon avis. Le chemin longe le pied de la montagne pour éviter toute la partie marécageuse de la plaine. En route, je rencontre bien des personnes qui étaient sur le bateau et qui font “el circuito“ dans l’autre sens. Après 2h30 de marche, j’arrive en vue du refuge Dickson. Le refuge est très bien avec salon, restaurant et dortoirs, mais relativement cher si je compare avec les cabanes dans nos Alpes. C’est l’occasion de faire une pause et d’aller voir de plus près les icebergs qui flottent près de la sortie du lac. A l’autre bout, il y a un glacier que termine sa course dans le lac Dickson et les morceaux de glace ne fondent pas complètement avant d’arriver à l’embouchure. Du refuge, le sentier monte assez fortement pendant 1h pour donner accès à la “Valle de los Perros“. Tout le parcours est en forêt et les arbres tombés restent simplement là. Ce qui fait qu’il me faut enjamber bien des troncs. Si je n’en ai pas passé 200, il faut que je retourne à l’école pour apprendre à compter. C’est un véritable slalom et une vraie course d’obstacles. Cela devient même presque monotone car dans la forêt on n’a pas de vue. Cependant arrive un pont suspendu, bien scabreux, même au Népal j’ai passé des ponts plus solides. Après le passage de la rivière nous grimpons sur une moraine qui a donné naissance à un lac ou vient mourir le “Glaciar Los Perros“. A nouveau il y a de nombreux icebergs. Toute la montée était agréable car la température était bonne pour la marche en T-Shirt, mais au lac la pluie et le vent reviennent, nous mouillant, même si le camp n’est plus qu’à 10 min. Le Campamento Los Perros est en pleine forêt et ainsi nous sommes bien protégés du vent. Il y a ici un kiosque où l’on peut acheter quelques nourritures. Le gardien fait des périodes de 3 semaines avant de redescendre en ville, un vrai travail d’ermite. Avec la construction de refuges, qui n’est pas encore terminée, mais le projet existe, le parc et particulièrement le circuit va être ouvert à un très large public qui n’aura plus besoin ni de tente ni de nourriture car tout sera disponible sur place. Si cela sera positif, ce n’est pas sûr, on aura une transformation en un genre de Milford Track en Nouvelle Zélande, mais il coûtera relativement plus cher entre 150 et 200 US$ pour 5 jours. Il y a seulement 2 ans tout était gratis, et si on fait le tour aujourd’hui en 5 jours avec sa tente, il en coûte déjà 25 US$ et je ne pense pas que ça va baisser. On assiste donc à une commercialisation du “circuito“ à outrance, et c’est bien dommage, car il manquera cet esprit de nature vierge et peu touchée que le parc offrait jusqu’il y a peu, une évolution qui ne m’enchante pas.

 

Mercredi, 18 décembre 1996
Le réveil sonne à 6h00, mais je ne fais que me retourner dans mon sac de couchage car j’entends la pluie tambouriner sur la tente, pas besoin de se lever. Vers 9h la pluie cesse et je finis par me lever. Je jette rapidement un coup d’œil en direction du col que nous aimerions passer; c’est encore bien bouché mais quelques signes d’amélioration apparaissent sur les sommets environnants. Je prépare lentement mon déjeuner et fais mon sac pour le cas où? Tout le monde est dans l’expectative et ne sait trop que faire. Le temps s’améliore vraiment, si bien que nous prenons la décision de partir, il est 11h00. La première partie ne nous permet pas d’avancer très vite, nous devons traverser un marécage sur env. 2,5 km et il faut souvent faire de gros détour pour éviter les zones très humides. Chacun fait son chemin toujours un peu plus loin et endommage la nature. Il serait grand temps que Conaf (121) pose des rondins de bois pour permettre un passage sur le chemin et ainsi éviter une trop grande dégradation de la nature. Cette première partie terminée, nous entamons la montée du col proprement dite. Par une série de pierriers et de névés, nous atteignons le col à 1241m et le paysage est complètement alpin. Le temps est installé au beau, nous avons une vue superbe et chose exceptionnelle, presque pas de vent. Du col notre regard plonge de l’autre côté où le glacier Grey se révèle à nous. C’est un glacier très grand, bien crevassé et il doit avoir entre 7 et 10 km de large. L’ouverture des crevasses laisse paraître un bleu intense et prenant. Il termine sa course dans le lac du même nom où flottent de nombreux et grands icebergs. La descente est très raide et glissante, heureusement qu’il y a de nombreux arbres pour se retenir. C’est relativement pénible. Nous arrivons au Campamento Paso mais il n’est pas très bien et je décide de continuer jusqu’au prochain camp, il y a 5 km et ça ne doit pas être bien long. Mais chose étrange, toutes les cartes et guides disent qu’il faut entre 3 et 4h pour couvrir la distance, je n’arrive presque pas à le croire. Après 5 min, ça commence! Ça monte et ça descend pour éviter de gros troncs couchés, parfois on passe dessus, parfois dessous et ça continue, monter et descendre, descendre et monter pour passer des vallées où coule un torrent, pour passer un glissement de terrain ou franchir une paroi rocheuse qui glisse vers le glacier. Et ça monte et ça descend encore bien des fois avant d’arriver finalement à l’étape du jour vers 19h30. Cependant, pas le temps de se reposer, il faut planter la tente et cuisiner car l’estomac se manifeste après une journée comme celle-là. Le site est bien protégé du vent et nous passons une nuit calme.

 

Jeudi, 19 décembre 1996
Aujourd’hui grasse matinée, je ne me lève pas avant 9h00, l’étape du jour n’est pas très longue. En descendant sur le refuge Grey, le chemin nous offre de nombreux coups d’œil sur la fin du glacier qui se jette dans le lac. Moi, ce qui me marque, c’est d’avoir de la forêt jusqu’à quelques mètres du glacier, ce vert et ce blanc est une chose que l’on ne voit pas chez nous. Je fais un saut au mirador pour avoir une autre perspective de la chute du glacier, avant de faire une pause au refuge Grey. C’est un endroit qui n’a rein de spécial. De là, le chemin repart en hauteur pour franchir des collines, passe au bord du Lago Roca avant de descendre une vallée, enfin plutôt un vallon, jusqu’au refuge Pehoe. Durant toute cette partie un vent très fort nous accompagne, heureusement pour moi il vient de derrière, mais avec lui arrive à grands pas la pluie qui finalement me rejoint ½h avant d’arriver au terme de la journée, mais elle ne dure pas longtemps. A ma grande surprise il n’y a pas d’arbre au bord du lac Pehoe, il sera bien difficile de se protéger du vent fort qui balaie la région. Il y a bien des palissades, mais ce n’est qu’une maigre protection. Bien des campeurs étudient les différentes possibilités à disposition pour éviter de payer le prix exorbitant du bateau. Il y a en fait deux possibilités; sortir sur le centre administratif, 5h de marche, où longer le nord du lac Nordenskjöld, 10h de marche jusqu’à l’entrée principale. On nous avait dit que ce tronçon était fermé, mais il semble que se soit pour promouvoir l’équitation où inviter à utiliser le bateau. Bien des trekkers ont fait le parcours et sans aucun problème. J’espère que demain le temps sera beau pour la visite de la “Valle del Frances“.

 

Vendredi, 20 décembre 1996
Quel vent les amis, j’ai eu bien peur que ma tente s’envole. Je me lève relativement vite car j’ai une journée chargée si le temps le permet. Pour l’instant c’est l’incertitude, les sommets sont dans les nuages mais il y a quelques signes d’amélioration à l’Ouest. La première partie est légèrement vallonnée, mais il y a de bonnes rafales de vent qui me déséquilibrent souvent. Peu après avoir passé le Rio del Frances sur un pont suspendu, j’arrive au Campamento Italiano qui lui est en pleine forêt et bien protégé du vent violent qui souffle dans la vallée. De là, grand changement avec une montée de plus de 500m de dénivellation jusqu’au Campamento Britanico. Le temps est maintenant au beau et tous les sommets sont visibles même si derrière il y a de gros nuages. Encore 20 min pour être au mirador et je peux apprécier le panorama sur 360° avec un sommet plus intéressant, plus particulier que l’autre. Ce qui me marque particulièrement, c’est le contraste entre la couche de granite gris clair et la couche de sédiment noir foncé. Elles sont posées l’une sur l’autre, les sédiments sur le granite. Cette particularité géologique et par conséquence de couleurs est une caractéristique particulière de tous les sommets de ce parc national Torres del Paine. J’ai vraiment de la chance aujourd’hui en comparaison de mon excursion à las Torres. Le chemin du retour se fait sans problème, mais je sens la fatigue dans les jambes et les genoux, même si aujourd’hui je ne porte qu’un sac léger. Le vent a encore forci et j’aimerais bien savoir si ma tente est encore là. Après 7h30 de marche, je suis de retour au camping Pehoe et ma tente est toujours bien en place, elle a tenu le coup.

 

Samedi, 21 décembre 1996
Oh! Quelle nuit, j’ai cru qu’elle ne finirait jamais et je n’ai pas vraiment fermé l’œil. Il a soufflé par rafales et plu toute la nuit. Je suis bien content de ma tente légère, car elle a tenu le coup contre les éléments déchaînés et je suis resté au sec alors que je m’attendais au contraire. Il fait un temps épouvantable, des rideaux de pluie se déplacent très rapidement par le vent violent et les averses se suivent par vagues régulières. Je ne suis pas vraiment motivé pour marcher 5h jusqu’au centre administratif alors qu’il y a une possibilité bien plus simple, même si elle est chère. Je me suis cependant quand même levé à 6h00 pour préparer mes affaires et j’ai même réussi à plier ma tente entre deux averses, cependant elle n’est pas sèche. Absolument aucune amélioration en vue si bien que je me rends au kiosque pour acheter un passage sur le bateau du lac Pehoe. C’est décidé, je ne sortirai pas du parc en marchant, mais il n’est pas sûr que le bateau arrive. Des tourbillons de vent soulèvent des nuages d’eau sur le lac et il y a de grosses vagues, mais il arrive quand même avec ¾h de retard. Avec le mauvais temps, bien des gens ont envie de prendre le bateau. Il a une capacité maximum de 22 passagers, mais nous ne sommes pas loin de 40 à bord. Ah! la sécurité surtout sur un lac si peu accueillant. Toute la journée et ce jusqu’au retour à Puerto Natales, les averses et rafales de vent se succèdent en faisant probablement d’elle la pire des journées que j’aie eu depuis 6 mois. Si j’avais eu de la pluie parfois violente, elle ne durait jamais toute la journée avec une telle intensité. J’ai même pris plaisir à voir les rideaux d’eau emportés par le vent alors que j’étais bien à l’abri sous le toit de la guarderia du parc national.

 

Dimanche, 22 décembre 1996

Pure journée de repos. J’en profite pour me mettre à jour et compléter différents documents. J’ai fais mes comptes et je suis bien content, car j’ai réussi jusqu’ici à tenir mon budget de 30 US$ par jour au Chili, j’en suis à 27 US$ env. et cela y compris les quelques folies financières que je me suis permis, particulièrement la croisière Navimag entre Puerto Montt et Puerto Natales. Je l’oubliais presque, mais mon séjour au Chili se terminera dans quelques jours même si j’y reviendrai pour environ 2 semaines à fin janvier et février 1997. Je n’ai pas encore digérer pleinement tout ce que j’ai fait pour en tirer une conclusion comme je l’ai fait pour les autres pays, mais ça viendra, j’y penserai pendant les fêtes de Noël. Je vais passer ces quelques jours à Punta Arenas, la ville la plus importante au sud du globe, un point qui compte pour beaucoup de voyageurs et vacanciers. Noël à Punta Arenas! Petit résumé de mon trekking au parc national Torres del Paine:

 

Date

Trajet

Durée

Distance

14.12.96

Entrada Laguna Amarga-Hosteria Las Torres-Campamento Chileno

04h00

13 km

15.12.96

Campamento Chileno-Campamento Torres-Mirador-Hosteria Las Torres

03h30

16 km

16.12.96

Hosteria Las Torres-Campamento Seron-Campamento Coiron

06h30

24 km

17.12.96

Campamento Coiron-Refugio Dickson-Campamento Los Perros

06h45

22 km

18.12.96

Campamento Los Perros-Paso John Garner-Campamento Paso-Campamento Los Guardas

08h00

12 km

19.12.96

Campamento Los Guardas- Refugio Grey-Campamento Pehoe

04h30

17 km

20.12.96

Refigio Pehoe-Campamento Italiano-Campamento Britanico-Mirador et retour

07h30

30 km

fut prévu mais pas réalisé en raison de la pluie

21.12.96

Pehoe-Campamento Las carretas-Sede Administrativa

05h00

20 km

 

soit un total de 134 km en 40h45. Il faut encore compter 3000 m de dénivellation à la montée comme à la descente, de même qu’un sac d’environ 20 kg au départ et 15 kg à l’arrivée, compte tenu de la diminution chaque jour de la nourriture et de la benzine.

 

Lundi, 23 décembre 1996
Dernier mouvement vers le sud du Chili. Après un excellent déjeuner comme d’habitude chez Sra. Maria, je vais prendre le bus pour 8h00. Le temps est un peu meilleur qu’ hier, mais il ne casse rien. Le trajet passe par un relief très légèrement vallonné, mais sans arbre, rien que quelques buissons et de l’herbe. C’est un paradis pour les moutons, mais je sens que je me lasserais très vite de ce genre de paysage, je le trouve monotone après quelques kilomètres déjà. Il a neigé bien bas la nuit dernière, on voit très bien la limite sur les montagnes, entre 200 et 300 m d’altitude. Je vais avoir un Noël blanc si ça continue. J’arrive au bord d’un lieu dont le nom a fait rêver plus d’un voyageur, le détroit de Magellan qui relie les océans Atlantique et Pacifique en évitant le cap très dangereux du Cap Horn tout au sud de l’Amérique du Sud. Punta Arenas est a égale distance entre ces deux océans. C’est une ville de plus de 100’000 habitants, la plus au sud du globe. Je vais passer les fêtes de Noël dans ce lieu avant de faire un saut à Ushuaia en Terre de Feu proprement dit. J’ai découvert la ville en organisant la suite de mon voyage et je dois dire que j’ai eu de la chance de trouver une place sur les vols de Lan Chile, Punta Arenas - Ushuaia. J’ai du prendre les dates qui restaient car les avions et autre moyens de transport sont pleins à craquer. Ce ne fut pas facile de trouver une solution à peu près satisfaisante, même si c’est relativement cher, car c’est un vol international puisque Ushuaia est en Argentine.

 

Mardi, 24 décembre 1996
Après avoir réglé quelques points administratifs tels que téléphone, changé de l’argent pour ma première partie de voyage en Argentine, je pars enfin à la découverte de la ville. Sur la Plaza de Armas, il y a une statue de Magellan avec à ses pieds deux Indiens de Terre de Feux. Il est de tradition de toucher le gros orteil de l’un d’eux, et selon les dires des habitants, celui qui le touche reviendra à Punta Arenas. Un autre lieu que je visite, c’est le cimetière où il y a de nombreux caveaux de famille et qui donne un aperçu de l’histoire de la région. Il peut concurrencer avec ceux de Buenos Aires. On y voit de nombreuses tombes avec des inscriptions en anglais, français, italien, évidement en espagnol, mais aussi de nombreux noms d’origine yougoslave qui laissent une trace des émigrés qui sont venus ici avant. Il y a également la statue de l’Indien Inconnu qui est toujours très fleurie. Cela laisse ainsi une trace des populations indigènes qui ont disparu, victimes de la colonisation et du développement de la région. J’ai également visité le musée qui présente la vie des dernières populations indigènes. Les derniers purs sangs se sont éteints voici 15 à 20 ans. Ils étaient tous chasseurs, soit sur terre, soit sur mer. Il y avait deux groupes pour chaque catégorie; les Aonikenk et les Sélknam pour la terre, et les Kawéskar et les Yámanas pour la mer. Ils vivaient en Patagonie et Terre de Feu.

 

NOEL 1996
Mercredi, 25 décembre 1996
C’est Noël aujourd’hui, mais je n’ai pas cette impression car il n’y a pas de neige. Journée bien tranquille car tout est mort en ville et je passe un grande partie de mon temps à lire le livre de Pablo Neruda “Confieso que he vivido“.

 

Jeudi, 26 décembre 1996
Ce sera probablement la plus belle journée à Punta Arenas, avec un ciel très ensoleillé et très peu de vent. Je vais faire un tour du côté du détroit de Magellan pour voir la mer et les bateaux. Il y en a plusieurs à quai et l’activité est intense. Il y a des bateaux marchands, des bateaux scientifiques et militaires.

Il faut dire qu’avec Ushuaia, c’est l’une des portes pour tous les transports vers l’Antarctique. En entrant dans le port j’ai même rencontré 10 touristes aux anges, ils venaient de décrocher des places sur un navire militaire qui part ce soir pour 35 jours en Antarctique, le tout pour US$ 1800, c’est très bon marché pour ce genre de voyage. Donc contrairement à l’idée que j’avais avec du temps à disposition et un peu de chance, on peut aller relativement à bon marché en Antarctique; ce que je ne sais pas par contre, c’est ce qu’on peut voir lors d’un tel tour. Cependant une idée à retenir pour un prochain voyage. En fin d’après-midi, je monte dans un bus qui nous conduit à la colonie de pingouins. Au passage nous visitons rapidement une hacienda et une mine de charbon à ciel ouvert. La colonie de pingouins est d’ailleurs bien près de la mine et j’ai peur qu’elle ne soit menacée un jour. Les endroits où nous pouvons aller sont très bien délimités car très certainement, s’il n’y avait pas ces restrictions, il y a longtemps que les pingouins s’en seraient allés. Il est très intéressant de les voir marcher gauchement à travers la pampa pour regagner leur nid. Ils creusent un petit terrier où la température est de 18-20°C. Les femelles pondent 2 œufs par an et le pingouin est monogame. Il peut vivre entre 15-20 ans. La saison de reproduction va de septembre à mars. Les autres mois de l’année, il migre vers le nord jusqu’au sud du Pérou pour le Pacifique, et jusqu’au Brésil pour l’Atlantique. C’est un coin où il y beaucoup de vent, mais cela ne semble pas affecter les pingouins. On arrive à les approcher très près, mais il faut aller lentement, autrement ils se cachent dans leur nid et n’en ressortent pas pendant un moment. Si le pingouin est gauche sur terre, il est très très agile dans l’eau et il est très difficile de les attraper. Ils peuvent plonger jusqu’à 70-80 m de profondeur. Ici au sud, il fait jour de 4h30 à 23h00, donc les nuits sont très courtes d’autant plus que c’est la période des longs jours.

 

Vendredi, 27 décembre 1996
J’ai appris hier en fin de soirée, qu’il y avait quand même un tour à Fuerte Bulnes. Je prépare mon sac et le dépose dans un coin, et à 9h30 le tour débute; nous ne sommes que cinq. Quelle chance, c’est le même guide qu’hier, et c’est le premier guide en Amérique du Sud que je rencontre et qui ne parle pas anglais, ce qui est normal. Il parle l’espagnol très lentement et distinctement pour que les gens aient la possibilité de le comprendre. Je trouve même que c’est trop lent avec les connaissances de “castillano“ (122) que j’ai et il faut dire que je me suis fait à la façon de parler des Chiliens. En longeant le détroit de Magellan en direction du sud, nous avons la chance de voir des toninas, un poisson de la famille des dauphins mais plus petit. Il y a des bancs de poissons et ils pêchent. Nous voyons souvent l’aileron dorsal sortir de l’eau et également la vitesse à laquelle ils foncent sur leur proie. Nous sommes descendus du bus pour contempler ce spectacle absolument super. Nous continuons notre course en bord de mer pour arriver à Puerto del Hambre. C’est ici qu’à eu lieu la première tentative d’établir une colonie en Patagonie dans les années 1500, mais qui a échoué parce que les habitants sont morts de faim et d’inanition. Aujourd’hui, certains scientifiques pensent qu’ils auraient été victimes de la marée rouge. C’est une toxine invisible dans la mer, qui se déplace constamment dans les eaux du sud des Amériques. Cette toxine reste dans le système digestif des coquillages qui filtre l’eau (à deux coquilles), et si l’humain en mange une certaine quantité, il meurt d’arrêt respiratoire dans l’heure qui suit. Peu après nous passons le point qui est le centre géographique du Chili, la moitié de la distance entre Arica et le Pôle Sud. Il est bien évident que ces pays considèrent l’Antarctique comme une part de leur territoire, alors que selon la convention, le 6e continent a été réparti entre différents pays qui ont à charge de l’administrer, sans qu’il soit en leur possession! Fuerte Bulnes est un fort construit par les Espagnols pour surveiller tout le trafic du détroit de Magellan. Il est construit sur une pointe à un endroit très stratégique. C’est ici qu’est arrivé le bateau Ancud, en 1842, pour officiellement proclamer toute la région chilienne. Jusque là, aucun pays ne l’avait fait officiellement, donc ces terres n’appartenaient à personne! On oublie les Indiens!! Il faut reconnaître que d’ici la vue sur le détroit est exceptionnelle, tant vers le nord que vers l’ouest où la voie d’eau part en direction du Pacifique. Retour à Punta Arenas en début d’après-midi. Encore un moment d’attente avant de me rendre à l’aéroport qui est relativement loin de la ville. Le vol a un peu de retard, mais nous décollons à 20h30 en direction d’Ushuaia, la ville la plus au sud du globe en territoire argentin. Comme les autres jours, il y a bien des nuages et on ne voit pas grand chose du paysage, à l’exception de l’approche d’Ushuaia, où là, on a une vue superbe sur le canal de Beagle.

 

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(94) Toute cette région jusqu’à Antofagasta faisait partie de la Bolivie. Mais elle a perdu son territoire lors de la guerre du Pacifique et par la même, le seul accès que le pays avait sur la mer. Le Chili vainqueur également sur le Pérou a annexé ce territoire.
(95) Pays de la côte pacifique de l’Amérique du Sud. Il a 756626 km2 et compte 13’805’000 habitants. Il a 5000 km de long, mais pas plus de 180 km de large. Il fait frontière au Nord avec le Pérou et la Bolivie, alors que le reste à l’Est et au Sud est limitrophe avec l’Argentine.
(96) La marine chilienne s’est même décidée à attaquer et envahir la capitale Lima, 2000 km plus au nord. Cette action marquera la défaite définitive du Pérou lors de cette guerre.
(97) Une ville qui connaît un grand succès, car c’est une des deux zones franches du Chili. L’autre étant Punta Arenas tout au sud du pays.
(98) Au Chili, en Argentine, de même qu’en Bolivie mais dans une moindre mesure, on trouve trois classes de bus; la classe normale qui compte env. 45 passagers, la classe semi-cama qui a env. 33 passagers et la classe cama avec env. 25 passagers. Dans cette dernière les sièges se transforment en lits horizontaux.
(99) Site au Pérou où des figures et lignes géantes sont dessinées sur le sol d’un désert. Elles ont été découvertes que vue d’avion, car du niveau du sol on n’y voit rien.
(100) La grande route qui va de l’Alaska à la Terre de Feu ne longe pas la côte, mais passe par les plateaux désertiques offrant moins de panorama.
(101) Ville du centre de l’Australie où se trouve des mines d’opales. Il y a un golf entièrement en sable.
(102) Seule la ligne de Santiago à Puerto Montt reste ouverte au service passager. La majorité des lignes ne fonctionnent même plus pour le trafic marchandise. Seules restent en fonction les lignes des mines aux ports côtiers.
(103) Une boisson avec un mélange de pisco, jus de citron, blanc d’œuf et sucre.
(104) Capitale du Chili qui compte env. 5’000’000 d’habitants.
(105) Le président Allende a voulu changer de régime et installer un régime communiste, mais en respectant les droits de la constitution et le système démocratique. Ceci n’a pas plus aux Américains et aux multinationales, si bien que la CIA a commandité et soutenu le coup d’état sanglant exécuté par le général Pinochet, qui se rendra célèbre pour ses violations des droits de l’homme. Bien des intellectuels seront exécutés ou partiront en exil en Europe.
(106) Malgré son triste record des violations des droits de l’homme, le général reste très populaire au sein de la population chilienne. Lors des derniers mois du régime Allende, c’était devenu le vrai cahot et invivable pour la population. Sous le régime dictatorial de Pinochet, l’économie a pu se refaire une santé et si aujourd’hui le pays jouit d’une économie prospère et florissante, c’est “grâce“ au général et la population est encore reconnaissante de pouvoir profiter du bien être actuel.
(107) Représentant de Inauen Maschinen AG (où je travaillais avant de commencer ce voyage) au Chili.
(108) Marque de machine de conditionnement sous-vide.
(109) J’ai eu quelques averses, mais jamais vraiment une journée pluvieuse complète.
(110) Elle a 110’000 âmes.
(111) Un jeune étudiant est venu rendre une petite visite, histoire de discuter un brin. Il est arrivé peu après minuit. Je suis bien resté debout jusqu’à 2h00 avant d’aller me coucher.
(112) Un cône parfait dont le sommet, à 2720 m, est recouvert de glaciers et de neige.
(113) Vallée latérale du Tessin, où l’eau est très claire mais de couleur verte.
(114) Bariloche de l’autre côté des Andes est considérée un peu comme le St. Moritz d’Argentine.
(115) Camion-citerne, les poissons restent vivants.
(116) Angostura Inglesa.
(117) C’est un des derniers villages du sud chilien où vivent encore quelques indigènes de pure souche (env. 50), mais ils sont en majorité âgés et il n’y a plus de jeunes familles pour assurer la descendance de leur race et de leur culture. Ils essayent de se battre, mais en étant réaliste, c’est un combat perdu d’avance. Il ne faut pas leur ôter leurs dernières illusions. Le chef a pris le bateau et nous avons eu un entretien intéressant avec lui.
(118) Paso Kirke.
(119) Le vent souffle très très fortement dans toute la Patagonie. Il n’y a pas d’obstacle pour le freiner.
(120) Habitant de Nouvelle Zélande, rien à voir avec l’oiseau ou le fruit du même nom.
(121) L’institut qui s’occupe de gérer les parcs nationaux au Chili.
(122) Appellation généralement utilisée pour l’Espagnol en Amérique du Sud.

 

1st Part - ECUADOR - PERU - BOLIVIA - ARGENTINA